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10 décembre 2017 7 10 /12 /décembre /2017 09:25

 

 

DEUX MILLE DIX SEPT

 

Spectacle de Maguy Marin

 

Pièce pour 10 interprètes

 

 

 Les corps qui surgissent au début de "Deux mille dix sept", inscrivant la dernière création de Maguy Marin dans le champ de la danse, ne saurait manquer de faire penser à "Bit", l'une de se œuvres les plus dansées, sans pour autant l'empêcher d'être l'une des plus dramatiques. Des danseurs se tenant par la main, entamant une ronde qui tantôt se défait, tantôt se reforme, jusqu'à ce qu'elle se délite par manque de participants. L'entrée en matière, tel un clin d’œil graphique à "Bit", ne contient pas en soi de charge tragique : la ronde s'est dénouée dans la souplesse joyeuse de corps retournant à leur individualité sereine.

 

 Dans la séquence qui suit, on entre de plein pied dans une démarche caractérisée de Maguy marin : l'engagement politique. Si le titre de la pièce laissait augurer d'une prise de position, force est constater qu'elle éclate dès cette partie. On assiste alors à une véritable parade où les personnages défilent de façon peu réaliste, les bras remplis de sacs portant le nom d'enseignes prestigieuses. Postures affectées d'individus auto-satisfaits de leur appartenance à une société de consommation, clins d’œil, on les croirait évoluer dans une cour royale. Construite sur un mode totalement bouffon, la charge explicite se veut drôle, et la manière dont les danseurs s'affublent d'objets postiches (longs nez, chaussures miniatures aux pieds, chapeaux extravagants) témoigne du désir de Maguy Marin de mêler la légèreté au caractère acerbe de sa pièce.

 

 Sur un plan purement scénique, on retrouve, à un degré moindre, ce qui faisait l'attrait incomparable de "Umwelt", l'un des sommets de l'univers de la chorégraphe : une qualité de circulation des corps, avec ces entrées et sorties, l'art du passage des individus et, dans ces apparitions, l'impression tenace de voir s'insinuer un morceau de réel. Une force scénique, débarrassée cette fois de toute séduction, qui se cristallise avec l'arrivée de personnages en tenue d'ouvrier. Avec une régularité de métronome, ils extraient du plateau des stèles qu'ils étalent tout le long de la scène. Sur la façade avant figurent des prénoms de toutes sortes. Lors d'un deuxième passage, avec la même implacable synchronie, ce sont les noms de pays qui s'affichent.

 

 Si ces séquences sont marquées par une certaine sécheresse graphique, elles prennent, à force de s'appuyer sur un discours revendicatif, une dimension mortifère. Les stèles équivalent à la mort et représentent pour Maguy Marin autant de victimes, à travers le monde, du capitalisme néo-libérale.

 

 Avec sa mise en scène au cordeau, amplifiée par un tonnerre sonore (une phase répétitive se révèle assez agaçante), Maguy Marin installe une dynamique où les différents séquences renvoient à sa posture militante. Scènes d'humiliations, principalement fondées sur la notion de productivité : sur la droite de la scène, des ouvriers sont tenus d’accélérer leur rythme ; une femme est reprise par un patron qui lui montre comment couper plus rapidement un aliment. Entre un drapeau américain et un groupe de grands patrons devisant autour d'un verre, la charge s'accentue jusqu'à prendre, dans son mouvement final, une ampleur puissante avec l'édification d'un véritable mur-autel dédié au consumérisme.

 

 Cependant, si la proposition de Maguy Marin a le mérite de la clarté, tant la succession des séquences renvoient à un sens univoque, cette prise de position finit par desservir quelque peu "Deux mille dix sept". Précisément parce rien, dans la progression de la pièce, ne vient contrebalancer, sur un plan esthétique, le discours volontariste. Celui-ci prend le pas sur la forme, qui se rigidifie quelque peu. Quelque soit la densité des scènes, elles sont trop enserrées dans un discours qui les empêche d'ouvrir l'horizon sur une rêverie salutaire.

 

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