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2 décembre 2018 7 02 /12 /décembre /2018 22:16

Au Théâtre de Gennevilliers, Hideto Iwaï, ex hikikomori (du nom de ces personnes qui restent cloitrées chez elles au Japon) s'empare du récit d'habitants de la ville pour les fondre dans sa machine théâtrale.

Photo : Mammar Benranou

Photo : Mammar Benranou

 

Wareware no momomoro (nos histoires...)

 

Conception et mise en scène de Hideto Iwaï

 

Texte et interprétation : Marion Barché, Salima Boutebal, Loic Carcassès (avec la participation artistique du Studio-ESCA), Aurélien Estager, Lucienne Larue, Michel Larue, Mathieu Montanier et Abdallah Moubine

 

 

 

 Singulier spectacle que ce "Wareware no moromoro (nos histoires...) , de Hideto Iwaï, ex hikikimori (du nom de ces personnes qui restent cloitrées chez elles au Japon). D'autant plus singulier que le metteur en scène japonais s'est emparé de ce sujet suite à une demande de Daniel Jeanneteau, le directeur du Théâtre de Gennevilliers. Totalement déviée de l'intention première (faire témoigner des hikikimori français), la pièce se love dans un carrefour troublant, entre témoignage social et percée fantasmatique.

 

Ça commence de façon claire par une histoire de fantôme, quand l'ombre d'un grand gaillard se profile sur les murs, avant que le comédien, effectivement immense, en vienne à se raconter, détaillant son rapport au passé sur le mode d'une perception fantomatique. Cette partie là, qui reflète la part la plus japonisante de la pièce, ne sera pas véritablement développée. Car la parole, fondée sur un récit où se mêlent nostalgie et ancrage historico-social, imprime de plus en plus un geste réaliste. Les comédiens toutefois, habitants d'Aubervilliers, du haut de la subjectivité de leurs récits, apportent un supplément d'étrangeté par rapport au réel en n'étant pas tout à fait dans l'incarnation exacte de leur rôle : un couple de vieux incarnent des enfants, la mère est jouée par une jeune comédienne, un homme devient une femme.

 

Ce jeu irréaliste, en plus d'apporter une légèreté bouffonne, installe un mouvement inlassable de permutation des rôles. Cette instabilité est notamment représentée par le rôle de la mère, constamment habillée et déshabillée sur scène par une asiatique. Dans ces moments-là, la pièce prend des allures de Bunraku, ce fameux théâtre de marionnettes. Ainsi l'histoire, déjà déconstruite par les récits parcellaires et subjectifs, s'inscrit dans une dimension onirique, aux effets improbables.

 

La mise en scène renforce ce climat de plus en plus étrange : les personnages disparaissent sous des draps, parfois en étant juchés sur un escabeau ; certains traversent la scène, comme pris dans une errance beckettienne, traînant derrière eux des oreillers en équilibre instable. Une structure mouvante, ouverte, représente une maison dans laquelle on circule, mais comme si on traversait son propre espace mental. La scénographie distille des effets oniriques et si la parole des habitants de Gennevilliers a ce pouvoir de s'imprimer en nous, c'est d'être pris dans un irrésistible tissu ouaté de rêve.

Au T2G, du 22 novembre au 3 décembre

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