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15 janvier 2013 2 15 /01 /janvier /2013 11:24

 

 

 

 

 

 

 

Musique classique persane

 

Avec Mahsa Vahdat (chant), Javid Afsari (santour), Bhenam Samani (daf et tombak)

 

 Ce fut une surprise, quand on est habitué au Théâtre des Abbesses, de découvrir pour la première fois la salle transformée au point d'être méconnaissable : il fallait descendre les marches conduisant habituellement aux toilettes ou aux vestiaires, avant d'emprunter un couloir menant à un espace réduit, qu'on aurait pu croire resté secret, et dévoilé à l'occasion pour une circonstance exceptionnelle.

 

 On ne sait pas si c'était délibéré, mais il y a un aspect symbolique dans ce parcours amenant les spectateurs dans cet espace inhabituel : on peut ainsi imaginer que cette approche reflète la difficulté pour les musiciens - et particulièrement les femmes - à s'exprimer devant un public en Iran, et que leur mode d'expression se réduit à trouver des zones intercalaires, clandestines, pour pouvoir s'épancher.

  

 Salle réduite, éclairage intime, donc, constituée comme un salon de musique, si propice à ce style de musique qui délivre, à l'instar de la musique indienne, ses broderies sonores délicates, et installe le spectateur d'emblée dans une atmosphère méditative. La répartition de bancs rudimentaires autour de la scène centrale, loin de créer un inconfort, affirmait au contraire la proximité avec les musiciens. Qualité première facilitant l'écoute du concert.


 Si on peut désormais parler de saison de la musique iranienne au Théâtre de la Ville, tant elle est régulièrement représentée, il y avait plaisir à retrouver le santour, ce magnifique instrument à cordes frappées pas si fréquent sur les scènes parisiennes. Il faut dire que cette musique traditionnelle brille par son instrumentation variée, et que l'on pourrait largement se contenter d'un ensemble réduit constitué par le tar et le setar (luths), le kamantché (vielle), le ney (flûte de roseau). Mais il semblerait que le santour, plus discret, permette pourtant d'explorer des espaces musicaux étendus. Le passionnant musicien Kayhan Kalhor, fer de lance de la modernité en musique persane (joueur de kamantché) nous avait ainsi livré un concert mémorable en compagnie de Siamak Aghaï au santour, en 2005, dépassant le cadre traditionnel du radif persan.

 

 Javid Afsari, compositeur comme Kalhor, aussi avide de rencontres avec d'autres musiciens, n'oublie pas ses fondamentaux, et distille, avec son santour, une suite de modes mélodiques dans la pure tradition. On note, au bout des baguettes frappant les cordes, des feutres destinés à modifier la sonorité, qui en devient moins rêche, moins intense, plus à même sans doute de plonger le spectateur dans une ambiance feutrée, où la souplesse des frappes et la délicatesse des notes feraient presque oublier la virtuosité tranquille du musicien. Bhenam Samani, d'abord avec son zarb (percussion), apporte l'irrésistible impulsion rythmique, avant de le troquer contre un daf, percussion circulaire avec anneaux ; un instrument issu des confréries soufies, que Mohammad Reza Lotfi avait introduit dans la musique classique persane.

 

Il faudra attendre une demi-heure avant l'entrée sur scène de la chanteuse Mahsa Vahdat. On avait précédemment eu à faire moins à une introduction qu'à un véritable développement d'un mode au santour. Inhabituelle entrée en matière, mais révélatrice, par la suite, de la nature du chant de Mahsa Vahdat : sa voix claire, au timbre souple, s'élevant sans effort, ne s'appuie pas sur les enchaînements auxquels nous sommes tant habitués sur les deux scènes du Théâtre de la Ville. On y trouve en effet moins de cette virtuosité vocale propice à un long développement improvisé autour de quelques mots, quelques phrases. Cela est lié moins à une retenue qu'à la nature des morceaux qu'elle interprète : on a plutôt l'impression d'être devant des chants d'amour mystique (ghazals), proposés sous forme de poèmes, proche des thumri indiens.

 

Succession de poèmes, donc, maintenant la chanteuse dans une sorte de rêverie chantée, sans envolée vocale vertigineuse, soutenue par le tissu instrumental du santour et des percussions. C'est la qualité de ce concert que de nous inviter à partager un moment de grâce musical.

 

 

 

 

 

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commentaires

L
Je ne connaissais pas du tout ce style. C'est particulier mais pas du tout désagréable :) Merci pour la découverte !
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P
It is good to read about the trio. I’m a huge fun of Javid Afsari. Avec Mahsa Vahdat vocals are unmatchable. He just takes classical music to a different dimension. Thank you so much for updating this interesting article.
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C
Pas de mots! Tout simplement exceptionnel.
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