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5 décembre 2012 3 05 /12 /décembre /2012 11:05

 

 

 

Preparatio mortis

 

Spectacle de Jan Fabre

 

Avec Annabelle Chambon

 

 

 "Preparatio mortis" a, au départ, tout d'une cérémonie mortuaire. Pendant une bonne dixaine de minutes, le spectateur est convié à se fondre dans une ambiance sépulcrale : dans un noir total, une musique d'orgue s'élève : celle de Bernard Foccroule. Musique contemporaine, certes, mais sans la sécheresse dodécaphonique ; à placer dans le sillage d'un Olivier Messian ou la souplesse d'un Thierry Escaich, son cadet. En tout cas suffisamment porteuse d'un élan vertical pour qu'on ait envie de s'en imprégner. Déjà l'envahissement d'un son qui s'élève, comme dans un église, s'oppose à cette plongée dans le noir.

 

 Et lorsqu'une faible lumière commence à éclairer la scène, c'est pour se concentrer sur une forme apparentée à un cercueil, sur laquelle, peu à peu, quelques mouvements se dégagent. La force envoutante de "Preparatio mortis" se mesure à cette apparition : un corps recouvert de fleurs, qui pourrait installer une ambiance morbide, ou fantastique (réveil du mort-vivant), mais qui se révèle être une conjuration de la mort pour célébrer la vie. Ce corps qui se meut doucement, ondule en de longs mouvements serpentins, représente autant l'humain que l'animal ou le végétal.

 

 

 Quand la scène s'éclaire enfin totalement, c'est pour découvrir une scène envahie de fleurs. La beauté de la scénographie, si elle saute aux yeux, est pourtant loin du parterre de fleurs de "Nelken", l'une des belles chorégraphies de Pina Bausch. Car il s'agit, pour le corps réveillé, porté par l'énergie d'Annabelle Chambon, de s'ébattre en se débattant avec ce surplus de vie et de couleurs.

 

 On est moins dans la danse proprement dite - avec ce qu'elle suppose de bravoure chorégraphique - que dans une sorte de narration, marquée par une expressivité exaltée, débridée, où se mélangent tout autant la peur que la joie, la précipitation que l'effroi. Face à nous, un corps en quelque sorte hystérisé, qui en découd avec la mémoire des gestes : là, elle pose comme un mannequin avec des fleurs, là elle les arrache, elle glisse la main dans sa culotte, souvenir inassimilable de gestes érotiques. Corps en mouvement qui mime la vie pour en accentuer la dissociation, tant la mort est l'arrière-plan présent sur lequel se trament ces explosions - c'est aussi un corps qui est au bord de l'asphyxie, à être exposé à ce retour au vivant. 

 

 Dans une deuxième partie, plus courte mais tout aussi belle, la danseuse, nue, se trouve à l'intérieur de ce cercueil transparent. Les mouvements, cette fois-ci beaucoup plus apaisés, ont la lenteur d'une danse butô, effectuée recroquevillé. Cela a la beauté d'un rêve, comme si on pénétrait à l'intérieur d'un cerveau attaché à une vie d'antan. Des papillons frétillent autour du corps d'Annabelle Chambon, renforçant à la fois un climat champêtre, et le sentiment d'une intemporalité. Des dessins effectués par la danseuse contre les parois nous renvoient à un temps immémorial. La tombe devient grotte où un sujet, pour lutter contre la mort et le temps, en vient à créer ses propres motifs de conjuration.    

 

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