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22 avril 2011 5 22 /04 /avril /2011 15:00

 

 

 

 

 

 

 This is how you will disappear

 

Texte de Dennis Cooper

 

Conception, mise en scène, chorégraphie et scénographie : Gisèle Vienne

 

Avec Jonathan Capdevielle, Margrét Sara Gujonsdottir, Jonathan Schatz

 

 

 Très étrange objet visuel que ce "This is how you will disappear". Difficile d'emblée d'inscrire ce qui se déroule sous nos yeux dans un genre précis. Théâtre ? Le début se produit dans un dépouillement tel, une lenteur cérémonielle, que l'impression forte qu'il n'y a pas d'espace pour les mots s'impose. Le spectacle de Gisèle Vienne est pourtant basé sur un texte de Dennis Cooper, rendu en version originale, qu'on a le loisir de lire en français avant le début effectif. Sa minceur - qui n'empêche pas la concentration d'un contenu violent - laisse penser qu'il ne prendra pas beaucoup de place dans ce qui ressemble, petit à petit, à une installation.

 

 On est tenté de se raccrocher à du sens, d'injecter de la fiction, là où, au départ, ce qui frappe, c'est cette puissance de la réalité exposée par le décor. Une nature qui prend des allures de forêt primaire digne de celle, par exemple, que l'on trouve en Malaisie, le Taman Negara. La force d'imposition de ce morceau de réel, comme transplanté sur scène, tait dès l'abord toute velléité de saisie critique. C'est le monde de la sensation qui prévaut, amorcé par une fumée, ténue au départ, qui voile un peu cette forêt.

 

 Que se passe t-il en ce lieu qui se démarque tant d'une scène de théâtre ordinaire ? Une jeune femme rompue à des exercices de gymnastique crée un décalage, sur fond de cette forêt, en renvoyant à notre conscience des images télévisuelles type : une discipline des Jeux Olympiques. Cette très longue séquence renvoie beaucoup à la notion d'ordre (l'exercice, la discipline), à peine contrariée par un geste furtif de l'entraîneur (une main qui se glisse sur la cuisse de la jeune femme). Une brève tension entre pulsion et ordre s'y noue pour être aussitôt déjouée. Elle poursuit seule ses exercices, marqués par la maîtrise et le contrôle (des mouvements de bras qui se suspendent).

 

 C'est sans doute l'enjeu de ce spectacle d'articuler, dans une dilatation profonde, des mouvements opposés, moins contradictoires que différenciés. Après les exercices de maîtrise, la seconde apparition de la jeune femme revêt un tour plus chorégraphique. Le labeur prend des allures de chorégraphie plus souple, plus ronde, plus libre, renvoyant à une posture animalité (sa façon de cheminer à quatre pattes). Avec l'apparition de l'archer, compte tenu de l'espace environnant, on s'attendrait à voir surgir une dimension particulière, violente, régressive, à la manière d'un film comme "Délivrance", de John Boorman. Mais la séquence, comme la première, rend compte de la même notion de maîtrise, avec une résolution pour le moins singulière, entre poésie et douce drôlerie.

 

 La violence proprement dite surgit, comme par-devers soi. Cet aspect retardé par la veine contemplative ambiante, marque la tendance qui meut ce spectacle : alternance entre les figures de l'ordre face au pulsionnel. L'inexplicable violence qui amène un personnage à en frapper un autre est le prix d'une exploration de ce dernier trait.

 

 Gisèle Vienne casse aussi la froideur apparente de son oeuvre en englobant le spectateur dans son univers. Etonnante est cette manière dont la brume envahit peu à peu la salle, rafraîchissant l'atmosphère, au point que certains remettent leur veste. L'expérience, salutaire sur le plan de la perception, est parfois réellement physique, par l'utilisation d'une musique tonitruante, aux basses si fortes qu'elles en ébranlent le corps. Cette forêt finit par laisser un parfum entêtant dans nos esprits.

 

 

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