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12 septembre 2019 4 12 /09 /septembre /2019 10:06

 

Adepte des contraintes dans ses spectacles, le chorégraphe Boris Charmatz ne se contente pas de faire danser ses partenaires. Pris dans un flux énumératif allant jusqu'à parcourir l'histoire, ils impriment un flux oral et physique vertigineux.

     Photo : Marc Domage

 

Infini

 

Chorégraphie de Boris Charmatz

 

Avec Régis Badel, Boris Charmatz, Raphaëlle Delaunay, Maud le Pladec, Solène Wachter, Fabrice Mazliah

 

 

 Avec Boris Charmatz, la danse, considérée comme expression artistique pure, semble n'avoir pas lieu d'être. « Infini », au titre à priori énigmatique, renvoyant si peu à la question du corps, accentue ce sentiment d'un travail où la danse se confronte une autre dimension.

 

 Ici, ce sont deux textes, qui viennent expliquer le recours à cette notion d'infini : « Histoire mondiale de la France », d'un collectif d'historiens coordonnées par Patrick Boucheron, et « Tout et plus encore », de David Foster Wallace. Mais le public, à priori, n'est pas forcément au fait de ces références qui pourraient brouiller sa perception immédiate du spectacle.

 

 Appréhendé dans sa saisie brute, « Infini » a suffisamment de matière pour intriguer, avec cette approche si spécifique chez Charmatz : placer le corps des danseurs au milieu d'un défi, danser en énumérant. Si la démarche en soi revêt un aspect intellectuel, le résultat, pris dans une dynamique incessante, emporte l'adhésion par son caractère avant tout énigmatique. Car en entendant les danseurs se lancer, dès le départ, dans d'interminables énumérations, l'esprit n'a tout simplement pas le temps de raccorder une intention, une motivation intellectuelle à sa manifestation immédiate, fiévreuse.

 

 Car ce qui apparaît avant tout dans « Infini », c'est du point de vue de l'expression chorégraphique, un maelström de formes, de corps, de figures, emportés dans des mouvements débridés, empreints parfois d'humour et de légèrété virevoltante. S'il est parfois difficile de suivre les danses, c'est que les individualités en présence sont marquantes, emportées dans leur flux. Pas d'effets d'harmonie de groupes, mais une dispersion des formes, accentuée par cette insistance énumérative, moteur d'une énergie globale. Il en résulte une dissociation entre mots et corps.

 

 Dans cette démarche à l'allure contrôlée, ce sont donc les corps des danseurs et danseuses qui viennent déborder l'aspect programmatique. C'est pourtant autour du langage, encore, que la pièce prend une autre allure, quand sont égrenées des dates et des noms de personnes. Leur seule évocation suffisent à créer chez les spectateur.trice.s un imaginaire renvoyant à une condition humaine commune, où elles font office de point à partir duquel chacun-e peut se projeter. Pulsation mémorielle troublante, appréhendée comme autant de points d'ancrages historiques fugitives, volatiles, mais créant un battement sensible. Là où le corps se dissociait de la parole, c'est précisément en égrenant les noms évocateurs que la danse et la parole s'unifient, scintillantes alors comme autant de lampions disséminés au sol.

 

Au Théâtre de la ville - Espace Cardin, du 10 au 14 septembre

A Nanterre-Amandiers, du 13 au 16 novembre

A l'Espace 1789, le 19 novembre

 

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14 juin 2019 5 14 /06 /juin /2019 22:01

 

Pour une fois absent de son spectacle, le danseur et chorégraphe François Chaignaud réussit avec "Soufflette" à imprimer sa marque esthétique (hybridation des formes), qu'il démultiplie avec les 14 interprètes de la compagnie norvégienne Carte Blanche.

 

 

Soufflette

 

Chorégraphie de François Chaignaud

 

Avec Caroline Eckly, Noam Eidelman Shatil, Olha Stetsyuk, Irene Vesterhus Theisen, Anne Lise Rønne, Chihiro Araki, Ole Martin Meland, Mathias Stoltenberg, Timothy Bartlett, Daniel Mariblanca, Dawid Lorenc, Adrian Bartczak, Harald Beharie, Aslak Aune Nygård

 

 

 Avec « Soufflette », François Chaignaud livre peut-être son spectacle le plus accompli. Issu d'une commande de la compagnie de danse contemporaine norvégienne Carte Blanche, la pièce permet au chorégraphe d'y insuffler une dimension épique, en y injectant ses obsessions.

 

 Si « Soufflette » se caractérise par l'absence de Chaignaud sur scène, la pièce n'en est pas moins marquée par la singularité de l'univers de cet artiste. C'est d'abord son intérêt principal : accepter de prendre en charge 14 interprètes pour les immerger dans un champ esthétique que les habitués reconnaitront tout de suite. Qu'il travaille avec Cécilia Bengoléa et des danseurs de Dancehall jamaïcains (DFS), le propre de Chaignaud est de faire en sorte qu'un spectacle ne soit jamais présenté sous une forme univoque. Le chant, moteur principal de cet univers, devient cet élément particulier donnant aux corps des danseur.euse.s s'y livrant une épaisseur particulière.

 

 « Soufflette » est justement construit autour d'une manière d'éprouver le corps des danseurs sur un mode dialectique, entre légèreté et pesanteur, ancrage et sensation aérienne. L'aisance des corps le dispute avec la virtuosité vocale, la désarticulation de groupe est souvent rattrapée par une harmonie chantée.

 

 Bâtie comme un rituel avec des phases diverses, la pièce s'ouvre sur une scène superbe, en pleine pénombre, avec des corps disposés dans des grandes boites. D'emblée, les danseur.euse.s dans leurs postures, s'érigent en cabinet de curiosité, accentuant la dimension graphique.

 

 Dans leur parcours sur scène, les danseur.euse.s expérimentent donc diverses postures : les frappes au sol, en évoquant le flamenco, dessinent une construction harmonieuse, tandis que les corps recouverts de fleurs, par leur charge proliférante, marque des tentatives individuelles de maitrise. 

 

 A l'opposé des frappes au sol – qui imposent un ancrage à la terre et installent une dynamique musicale sophistiquée – c'est sans doute la lenteur qui révèle les caractéristiques les plus marquantes de l'univers de François Chaignaud. Lenteur cérémonielle, où le chant se veut plus dilaté, accompagnant l'épanouissement des corps, la certitude d'un état. On reconnaît là la part la plus emblématique de cette esthétique. : les corps se recouvrent de fleurs – qui n'est pas loin d'évoquer l'approche quasi-mystique de Werner Schroeter dans «  Le roi des roses ». Paradoxalement, ces corps chargés, loin d'évoquer une pesanteur physique, métaphorisent un épanouissement ouvrant sur une verticalité liée à l'envol : déplacements avec des chaussures aux semelles surcompensées, danseurs juchés sur des structures en forme d'échafaudage.

 

 C'est toute la magie de « Soufflette » que de passer avec une souplesse hypnotique d'une modalité à l'autre, des frappes vigoureuses aux chants diaphanes, de l'élégance de corps multiples à un foisonnement de couleurs et d'images chatoyantes.

 

A la MC93, du 12 au 13 juin 2019

 

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19 avril 2019 5 19 /04 /avril /2019 22:01

La tête enveloppée de bandelettes, baignant son allure fantomatique dans une aura poétique, Josef Nadj offre avec « Mnemosyne » un ballet court, mais dont l'étrangeté abolit le temps pour nous précipiter dans le rêve.

 

     Photo : Blandine Soulage Rocca

 

Mnémosyne

 

Conception et interprétation  de Josef Nadj

 

 

 Il y a un certain paradoxe à venir au 104 assister à un spectacle de Josef Nadj d'une durée minimale (annoncée 25 minutes, il dure en réalité 20 minutes) en parcourant les longues allées de cet espace particulier, où l'on ne sait jamais réellement où l'on va atterrir. Emprunter des escalier, traverser des couloirs, avant de se loger dans une improbable salle, c'est le lot de la multiplication des zones donnant une impression de labyrinthe.

 

 Pour assister à « Mnemosyne », il faut descendre, avant d'arriver à un espace plus proche d'un parking souterrain que d'une salle. Là y sont exposées une centaine de photographies de l'artiste plasticien, articulant désormais ces prestations chorégraphiques en regard de champs disciplinaires variés (photo, sculpture, peinture). Les photos en question, toutes en noir et blanc ont pour personnage principal... une grenouille écrasée, bestiole que Nadj a ramassée suite à leurs découvertes sur des routes. Chez ce maitre es onirisme, tout objet est capable dans ses mains d'acquérir ces vertus spectaculaires l'amenant à composer un véritable story board, où la succession de scènes constamment différentes s'agencent comme dans les bas relief d'une frise bouddhique façon Borobudur.


 La trivialité de la mise en scène de la grenouille n'en contient pas moins une veine poétique, puisque l'animal en noir et blanc, dans son aplatissement cuivré se dote de caractères héroïques, confronté qu'il est à toutes sortes de tensions de formes et de valeurs. Ce prélude photographique est nécessaire pour entrer dans la pièce où les spectateurs sont conduits. Ce paradoxe des lieux fonctionne bien avec l'approche de Nadj, qui nous fait passer du gigantisme d'un lieu à une confinement secret, où il s'agit littéralement de s'engouffrer dans une sorte de boite tenant à la fois du cabinet de curiosité et du théâtre de marionnette. Le spectateur s'assoit alors sur des gradins, dans une position décalée donnant l'impression d'une régression à un stade infantile.


 Cette question des proportions devient plus aiguë quand Nadj investit la scène, avec une lenteur ne masquant pas cette allure d'automate si caractéristique de son travail chorégraphique. La tête enveloppée d'une bandelette blanche, sa stature imposante, dans son costume emblématique, installe d'emblée une aura mystérieuse, teintée d'accents burlesques. On croirait un géant obligé d'évoluer dans une boite.


 Avec ses expressions minimales, Nadj dessine un cérémonial qu'on peine à identifier mais qui se révèle fascinant par sa façon de l'enrober d'une épaisseur fantasmatique, accentuée par ses entrées et sorties à droite et à gauche de la pièce, en un étrange ballet. Qu'il tienne à la main une grenouille séchée qui s'est déjà imprimée à notre rétine, qu'il porte une belette momifiée ou un oiseau empaillé, c'est avec les mêmes gestes précautionneux qu'il créé une relation entre elles, comme un enfant le ferait silencieusement avec des jouets.

 

 C'est particulièrement prégnant avec cette grande marionnette qu'il déplace et installe sur une chaise. Figure du double, dont la présence témoigne de cette faculté de l'artiste chorégraphe à peupler l'espace en préservant un inatteignable mystère. Tout l'art de Nadj réside dans cette invitation faite au spectateur à voyager, en un temps si court, dans une ambiance indécise. La sérénité d'un dispositif restreint, mais qui porte l'imaginaire loin.

 

Au 104, du 16 au 21 avril

Dans le cadre de Paris l'été, du 30 juillet au 3 août

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17 avril 2019 3 17 /04 /avril /2019 14:44

Le spectacle de Nina Santes part de la figure de la sorcière, à la mode actuellement, pour plonger le spectateur au cœur d'une dynamique où sons, lumières et chants dessinent un territoire foisonnant. 

 

Hymen hymne


 

Spectacle de Nina Santes


 

Création et interprétation Soa de Muse, Nanyadji Ka-Gara, Nina Santes, Betty Tchomanga et Lise Vermot

 

 

 Il y a d'abord, dans l'approche de « Hymen hymne », une surprise : celle d'être, en tant que spectateur, bousculé dans ses fondations. Une voix s'élève, au milieu de la foule s'amassant dans l'entrée. Celle de Nina Santes, la chorégraphe, qui invite tout le monde à se délester de sacs et manteaux en entrant dans la salle. Puis à venir se glisser sur la scène.


 

 Là, des feuilles implacablement alignées sur le sol les attendent. Y figurent des indications précises, donnant le ton du spectacle, en forme d'engagement « Comment pleurer les morts », « Comment venir à bout du patriarcat »,  « Comment faire disparaitre le mot sorcière du vocabulaire dominant ». Précisément, parmi les dizaines d'inscriptions témoignant d'une démarche volontariste de changement, le mot sorcière doit être considéré comme l'emblème du spectacle. C'est lui qui en imprime la tonalité à la fois mystérieuse et secrète.


 

 Si le dispositif des feuilles finit par se volatiliser (les spectateurs, avides d'acte, s'approprient petit à petit les formules, comme pour se faciliter les déplacements sur la scène), c'est aussi l'aspect programmatique de « Hymne hymen » qui vole très vite en éclats. Quand bien même il y aurait une figure prédéfinie, qui connait un regain d’intérêt, à l'ère des revendications féministes, Nina Santes et ses performeurs s'appliquent à en redéfinir les contours au travers d'une sorte de rituel, qui n'est pas sans évoquer celui d'une Lia Rodrigues dans « Furia ». A cette différence près que la pièce de la chorégraphe brésilienne procédait par une amplification d'énergie débridée, là où celle de Nina Santes s'appuie sur une distorsion constante, fondée sur la combinaison d'éléments tout à tour volatiles et solidement incarnés.


 

 A cet égard, « Hymne hymen » a cette faculté de nous transporter vers des sphères lointaines, en reconstituant une atmosphère où sons et lumières nous projettent vers une indétermination spatiale et temporelle. Si la pièce met en jeu des physiques marquants, divers, c'est surtout par l'utilisation des chants qu'elle frappe au départ. Des chants moins destinés à tisser une mélodie continue qu'à installer une atmosphère singulière, enveloppant littéralement le spectateur : les performeurs tournent autour d'eux, s'approchent de leur visage, et le chant qui s'y déploie alors tient à la confidence chuchotée, à l'envoutement sonore. Une partition vocale soignée, sans virtuosité, mais qui serait comme la trame participant d'une enveloppe venant tapisser la scène du théâtre. Rituel chanté qui n'est pas sans évoquer celui d'un "Stimmung", l'une des œuvres phares de Karl-Heinz Stockhausen.


 

 Mais "Hymen hymne" ne se contente de nimber le spectateur de sons, de cris. L'utilisation de la lumière y est tout aussi forte, contribuant à rendre parfois impalpable la présence des corps. On y voit des danseurs s'éclairer le visage avec une lampe, pour parfois se retrouver subitement devant un spectateur, à son insu. Dans une superbe scène, une danseuse, éclairée par une comparse, avance en tenant une sorte de miroir souple sur laquelle se projette son reflet. Pratique évoquant une magie visuelle typique des défilés carnavalesques. Tout dans la pièce reflète cette volonté de donner à chaque mouvement, chaque scène, une puissance d'affirmation des êtres.


 

 Que les corps des performeurs soient pris dans un mouvement d'ombre et de lumière n'empêche pas "Hymen hymne" d'être une pièce très incarnée physiquement, jusqu'à atteindre une dépense frénétique vers la fin, sous forme de célébration. Le corps de Soa de Muse, après que celui-ci se soit lancé dans une longue prestation envoutante, se place, couché, au centre de la scène, tandis que performeurs et et quelques spectateurs le recouvrent de tissus de toutes sortes. Les feutres utilisés donnent alors à la pièce une allure digne d'un Joseph Beuys.


 

 Loin d'être un spectacle mortifère, "Hymen hymne" témoigne d'une grande générosité dans le tissu de relations qu'il créé, entre performeurs ou avec les spectateurs. Sa mobilité constante amène à attribuer aux objets une identité multiple (des barres translucides, au départ réceptacles de lumière, deviennent des instruments de musique). Cette volonté de doter les éléments présents sur scène de fonctions diverses lui donne ainsi l'allure d'un organisme en perpétuelle transformation.

 

Au Théâtre de la Bastille, du 15 au 18 avril

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3 mars 2019 7 03 /03 /mars /2019 13:39

 


 

aSH

 

Conception, scénographie et mise en scène d'Aurélien Bory

 

Chorégraphie et interprétation de Shantala Shivalingappa

 

Percussions Loïc Schild


 

 Si la chorégraphe et danseuse indienne Shantala Shivalingappa est connue pour avoir fait partie de la troupe de Pina Bausch et collaborer avec bien d'autres artistes (comme Sidi Larbi Cherkaoui), il ne faut pas oublier qu'elle est une très grande interprète de Kuchipudi. Ce style du sud de l'Inde, bien moins représenté à Paris que le Bharata Natyam, est la matière qui infuse aSH. Dans la pièce conçue par Aurelien Bory, la danseuse élégante, toute en finesse et en précision, livre une prestation minimaliste.


 

 Avec elle le Kuchipudi, genre virtuose, est réduit à une simplicité analytique, comme si, par la lenteur de certains mouvements, il s'agissait d'en saisir l'essence, en mettant sa fonction narrative ultra codée de côté. Les gestes n'en sont pas moins porteurs d'une puissance suggestive illimitée. La technicité étonnante de Shantala Shivalingappa culmine dans les cercles parfaits qu'elle dessine à terre avec de la cendre. Une perfection graphique qui renvoie aux confins de rituels indiens, jusque dans la quotidienneté des dessins exécutés devant les maisons.


 

 On pourrait craindre que la prestation de cette danseuse gracile ne soit quelque peu noyée par le dispositif scénique, constitué d'un grand voile noir, mouvant au gré des différentes parties. Mais il y a une interaction permanente entre elle et ce voile impressionnant. Surtout, c'est aussi une histoire qui prend forme, à travers la figure de Shiva, le destructeur, mais aussi dieu de la danse, au corps recouvert de cendres. Plus qu'une interaction, c'est un dialogue qui s'élabore entre la danseuse et ce rideau protéiforme. Comme dans la légende du Mahabharata, les figures des Dieux sont omniprésentes, et tout mouvement participe d'une tentative de communiquer avec eux, dans un dévouement indéfectible.


 

 Cette impression est d'autant plus forte que le voile noir n'est pas seulement un objet qu'on manipule. Le percussionniste inspiré, Loïc Schild, en y exécutant quelques figures avec ses mains, participe de ce dialogue, et contribue à en faire un personnage à part entière, tandis qu' à l'arrière, telle une voix incessante et affirmative, des frappes constituent autant de battements signifiant une qualité de vie. Cette alliance entre la volonté de rendre une présence obscure et la présence délicate d'une danseuse est particulièrement réussie.

 

A la Scala, du 16 février au 1 mars

 

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12 janvier 2019 6 12 /01 /janvier /2019 17:26

Phia Ménard, chorégraphe passé-e d'homme à femme, met au centre de son dispositif scénique une critique de la position dominante masculine. L'aspect revendicatif n'empêche pas de grands moments visuels.

 

      Photo : Christophe Raynaud de Lage

 

Saison sèche

 

Chorégraphie de Phia Ménard

 

Dramaturgie et mise en scène de Phia Ménard et Jean-Luc Beaujault

 

Création et interprétation : Marion Blondeau, Anna Gaïotti, Elise Legros, Phia Ménard, Marion Parpirolles, Marlène Rostaing, Jeanne Vallauri, Amandine Vandroth

 

 

 

 La chorégraphe Phia Ménard, en livrant un spectacle qui interroge la domination masculine, se positionne à un point d'observation particulier, loin de toute distanciation objective : en changeant de sexe pour devenir une femme, elle estime être à l'endroit précis lu permettant de distiller son point de vue. « Saison sèche » ne commence pas pour autant en fixant cet aspect critique. C'est même son étrangeté, la profondeur angoissante du début qui instille une impression forte : des femmes, dont l'attitude les confine dans une animalité fondamentale, évoluent sur la scène, habillées de façon minimale avec, au dessus d'elles, le poids d'une structure contraignante, qui les amène à se recroqueviller à partir du moment où elle s'actionne.

 

 Impression d'une force obscure, supérieure, régissant leur mouvement, limitant leur autonomie. Cette disposition scénique puissante, n'est pas sans évoquer celles d'un Julien Gosselin, sauf qu'ici, la mise en scène n'est pas redoublée ou distanciée par des vidéos. Phia Ménard croit aux corps, et à la possibilité de les interroger en les fondant dans un tissu scénique où les vibrations visuelles ou plastiques modifient leurs engagements physiques.

 

 A partir du moment où les corps des protagonistes femmes se mettent en place, montrent une détermination existentielle, une harmonie se met en place, à coups de mouvements circulaires, sortes de rondes à la Pina Bausch dans « Le sacre du printemps ». Mais sur ce plan là Phia Ménard n'est pas la grande chorégraphe allemande, et la danse proprement dite, réduite à la simple expression d'une énergie affirmative de groupe, ne surprend guère.

 

 La séquence où les femmes , toujours en cercle, nues, se griment le visage et finissent par se retourner vers le spectateur, garde une réelle force, en raison de son expression silencieuse et de son caractère intrigant. De saynètes survoltées en postures explicitement critiques, où les positions des hommes sont mimées jusqu'à la caricature, « Saison sèche » affirme un discours revendicatif.

 

 Cette position discursive pourrait plomber la chorégraphie, mais c'est dans son mouvement final que la pièce prend une ampleur surprenante, tant la force scénique s'y affirme. En forme de réponse à la situation initiale, oppressante, l'espace se délite, sous forme d'un grand tissu se déchirant avec l’apparition des corps. Un liquide noirâtre s'en écoule, donnant une sensation de fin du monde. Une sorte de remise à plat, où la déconstruction funèbre dessine de nouveaux contours, propices à l'émergence d'un nouveau monde.

 

A la MC93, du 10 au 13 janvier

Reprise à La Filature, à Mulhouse, le 4 mai

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7 décembre 2018 5 07 /12 /décembre /2018 16:24

Avec "Furia" la chorégraphe brésilienne Lia Rodrigues immerge ses performeurs dans une sorte de procession régressive. Les corps, secoués parfois par la danse, se cognent, sont traînés ou suspendus, en un élan carnavalesque.

"Fúria", de Lia Rodrigues : soubresauts

Fúria

 

Chorégraphie de Lia Rodrigues

 

Avec Leonardo Nunes, Felipe Vian, Clara Cavalcanti, Carolina Repetto, Valentina Fittipaldi, Andrey Silva, Karoll Silva, Larissa Lima, Ricardo Xavier

 

 

 Si "Fúria" mérite à priori bien son nom, c'est que s'y dessine de prime abord une intensité qui ne va plus se tarir. Pourtant, à y regarder de près, l'énergie initiale du spectacle n'est pas à proprement parler insufflée par les danseurs. La pièce commence de manière très calme, pour ne pas dire sur un non-mouvement, puisque les corps au départ sont masqués, recouverts. Émerge alors un sorte de bâton, tenu par un homme.

 

 Quand un mouvement s'opère alors, c'est parce que cet homme au bâton prend en charge une direction, se dotant presque à son insu d'un rôle de guide. Non pas un guide marqué par un volontarisme particulier, mais un être porté lui-même par le flux. A sa suite, les autres se lèvent, comme mus par une force invisible ; un corps est traîné. Au fond, c'est la musique, en s’élevant petit à petit, qui semble être la force motrice de la pièce. Musique aux résonances tribales, que l'on croirait prélevée de quelque cérémonie traditionnelle, mais dont on découvre par la suite qu'elle vient des ...chants traditionnels et danses des Kanaks de Nouvelle-Calédonie. Musique fondée sur une simple répétitivité obsessionnelle, dont l'amplification atteint à des degrés d’envoûtement dignes de la transe.

 

 Mais si on associe au départ cette musique à un "éthos" brésilien, c'est que le mouvement initié par les danseurs, telle une procession, évoque assez rapidement à une dynamique carnavalesque. Mais là où le carnaval brésilien, dans sa flamboyance festive, renvoie à une pure dépense joyeuse et débridée, celle de "Fúria" se charge d'une dimension beaucoup plus profonde. Tous ces corps, dans leur avancée, loin d'être pris dans un ordonnancement régulé, laissent entrevoir une sorte de pesanteur liée à la façon d'engager le rapport à l'autre. Les danseurs, parfois serrés les uns contre les autres, semblent se trouver comme sur un Radeau de la méduse, comme chez Gericault, et initier des gestes de survie.

 

 Ceux-ci passent littéralement par une façon d'engager la lutte avec l'autre, dans un processus d'inversion des relations : des femmes chevauchent des hommes, une femme complètement nue est suspendue à l'envers, un autre est traîné à terre en étant tiré par les cheveux. La violence de "Fúria" est moins liée à un désir de dominer l'autre que d'expérimenter toutes les potentialités d'un défi physique. Il y a d'autant moins de domination (notamment des hommes à l'égard des femmes) que les uns et les autres avancent sur un pied d'égalité. Le déchaînement pulsionnel à l’œuvre dans la pièce traduit chez Lia Rodrigues une volonté de retrouver l'instant primitif d'avant toute loi, toute organisation rationnel ou sociale.

 

 Si "Fúria" évoque à ce point une libération des affects, c'est en retrouvant un point de déséquilibre, où la verticalité le dispute à l'horizontalité : on rampe beaucoup dans la pièce, nu ou en étant traîné ; mais on porte aussi beaucoup l'autre sur ses épaules, ou on le secoue comme on le ferait avec un arbre pour en extraire ses fruits.

 

 La pièce de Lia Rodrigues se charge ainsi d'une force incomparable, en donnant ce sentiment qu'il échappe à toute volonté de signifier. Les danseurs, souvent nus, déjouent cette recherche du sens, et leurs yeux exorbités, leur bouche grande ouverte dont aucun cri ne sort, sont comme les expressions d'une tension renvoyant à une tentative d'être au maximum d'une puissance d'être.

 

 Après le spectacle, un retour à la réalité s'opère, sous la forme de pancartes brandies par les danseurs en hommage à Marielle Franco, cette militante assassinée cette année. Ce retour au réel, loin d'atténuer la fureur du spectacle, lui donne au contraire une assise supplémentaire, ou le souffle tragique du présent vient se loger dans la maille d'une création débridée.

 

Au Théâtre national de Chaillot, du 30 novembre au 7 décembre

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11 octobre 2018 4 11 /10 /octobre /2018 21:40

 

 

 

 

De quoi sommes-nous faits ?!


 

Conception et mise en espace Andreya Ouamba


Direction d’acteur et mise en scène Catherine Boskowitz
 

Interprétation Clarisse Sagna et Andreya Ouamba
 

Auteur et interprétation Kouam Tawa
 

Musique originale et interprétation Press Mayindou

 

 

 Danser et parler en même temps. Sacrée gageure que d'inscrire son corps dans ces deux polarités, avec des rythmes et des densités qui leur sont propres. C'est tout ce qui fait l'intérêt de la pièce "De quoi sommes-nous faits ?!", où le danseur congolais Andréya Ouamba, dans un récit à rebours, avec dates à l'appui, délivre des impressions intimes sur son rapport au père, en particulier à travers le thème de l'autorité, et la manière dont le respect qui est dû à cette figure façonne l'avenir du fils. Ce n'est pas la "Lettre au père" de Kafka, dans la mesure où la confidence de Ouamba dépasse très vite la sphère intime : une liaison est faite entre ce respect de l'autorité paternelle et la dévotion qu’entraîne la relation de la population aux "pères" de la nation.

 

 Si la démarche de Ouamba séduit de prime abord, c'est dans ce décalage persistant entre la chorégraphie et la voix : danse à la fois souple et parsemée de gestes vifs et secs, de mouvements circulaires au bord du déséquilibre ; mains qui, placés près du cœur, semble vouloir arracher des aveux. La voix, de son côté, opère sur un mode ténu, malgré le micro servant à l'amplifier. Cette parole étouffée, elle est plus proche d'un flux de conscience, renvoyant à une intériorité parfois chaotique, fondée sur des jeux de mots, comme si ce qui primait n'était plus le sens, mais la pure libération salvatrice du verbe. On ne comprend pas tout (d'autant plus que lors de la première, le micro a lâché en cours de route), mais cette approche feutrée dessine un univers à la fois pudique et volontaire.

 

 À l'écrivain camerounais Kouam Tawa est dévolu en quelque sorte la tache de conférer aux mots une portée plus poétique, dans une présence plus immédiate puisqu'à un moment, il s’assoit à une table pour rédiger un texte. Plus tard, sur le devant de la scène, tenant des feuilles à la main, il dit une poésie, comme une émanation de cette écriture en direct, en un éloge de la rumba congolaise, que les Andreya Ouamba et Clarissa Sagna vont incarner physiquement et visuellement, en revêtant des vêtements traditionnels.

 

 Paradoxe du spectacle, la scène de "De quoi sommes-nous faits ?!" est peuplé de micros, dans un dispositif d'installation. Parfois trop hauts, les danseurs lèvent la tête vers eux, comme pour chercher vainement à exprimer quelque chose. Si parler est possible, la portée de la profération reste entière dans la pièce. C'est au bout du compte à la question de la dépossession du langage que Ouamba se confronte, puisque la parole, pour les protagonistes, découle d'une entité plus grande, celle de l’aîné, à laquelle on fait allégeance.

 

 Quand dans un premier temps, Ouamba se délivre de son micro, on entre alors dans une autre approche chorégraphique, impulsée par le bel accompagnement du guitariste Press Mayindou (entre mélodies acoustiques soyeuse et riffs saturés). S'installe alors un beau moment de flottement lorsque Ouamba et Clarisse Sagna, affalés sur des chaises, semblent se tirer d'une rêverie pour accéder, doucement, à la scène et entamer un duo où l'énergie le dispute à des échanges physiques frisant le combat – et dans cette vigueur affirmative, le corps robuste de Clarisse Sagna nous rappelle alors celui de Nadia Beugré, danseuse et chorégraphe ivoirienne.

 

 Porté par la mise en scène inventive de Catherine Boskowitz, "De quoi sommes-nous faits ?!" s'allège vers la fin en s'engageant dans un hommage fantaisiste à la rumba, non sans maintenir la question politique sur le devant de la scène : des écrans circulaires envahissent le plateau, montrant des figures politiques en train de danser (dont un certain Trump), tandis que dans le fond défilent des images en relation avec le monde communiste. Il n'est plus vraiment question de mots, mais les images, en les remplaçant, disent alors à quel point ils s'englobent dans un flux plus grands qu'eux, pour le meilleur et pour le pire.

 

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30 septembre 2018 7 30 /09 /septembre /2018 13:12

 

      Photo © Akihito Abe

 

The idiot

 

Conception et chorégraphie de Saburo Teshigawara

 

Avec Saburo Teshigawara, Rihoko Sato

 

 

 Il faudrait balayer tout de suite l'idée que "The idiot" serait une adaptation du monument littéraire de Dostoievski. Comment imaginer que l'on puisse rendre compte de ce roman-fleuve en simplement une heure, sans penser qu'il s'agit avant tout d'une proposition artistique tournant autour du texte, comme pour en extraire l'humus.

 

 "The idiot" n'en est pas moins une pièce riche de Saburo Teshigawara, explorant des territoires nouveaux, où la question du temps et de la mémoire apparaît extrêmement prégnante. C'est ainsi que le début, dans sa lenteur crépusculaire, déroute quelque peu, venant d'un chorégraphe dont l'expression corporelle a souvent été axée sur une vitesse vertigineuse. Qui plus est, une musique assez sirupeuse, comme échappée d'un mauvais remake de "In the mood for love" s'élève. Mais très vite, cette introduction musicale cède le pas à une ambiance musicale autrement plus profonde, quand résonnent quelques notes de Debussy.

 

 Si une ambiance assez sépulcrale s'installe sur le plateau (avec cette structure lumineuse en forme de nuée flottant dans l'air), elle laisse enfin apparaître le corps de Teshigawara, dans une posture pour le moins à l'opposée de toute affirmation virtuose : immobile, les jambes pliées, le regard comme figé, yeux orientés vers un ailleurs nostalgique. En une seule scène, Teshigawara donne une indication essentielle sur ce qu'est "The idiot" : l'exploration d'un corps dont les possibilités d'expressions sont conditionnées à un discours dans lequel la figure de l'autre est déterminante. Et cette autre, c'est Rihoko Sato, fidèle complice du chorégraphe, auquel il confie un rôle central : celui d'être la matrice de sa propre danse.

 

 Car s'il y a une originalité forte dans "The idiot", c'est bien celle qui consiste pour Teshigawara, dans cette immobilité première, à se laisser traverser par des champs (rythme, musique) impulsés par l'autre. L' "idiotie" en question ici n'est pas tant celle d'un être aux facultés mentales réduites que celle d'un homme se régénérant, sur le mode du souvenir, d'une absence. C'est l'aspect subtil de la pièce, où une narration s'installe, Teshigawara occupant la position de celui s'imprégnant des gestes et mouvements de celle qui, vêtue de sombre, marquerait par ses passages les traces vivaces du passé. "The idiot" est ainsi une grande pièce autour de la disparition, et c'est précisément la danse qui est chargée de colmater les brèches de la mémoire.

 

 S'emplir de l'absence de l'autre, tel est le credo principal qui amène ainsi le chorégraphe à puiser encore et encore dans ses gestes si caractéristiques, où virtuosité et vitesse définissent le champ corporel. Mais si ces gestes reconnaissables donnent ici une impression de nouveauté, c'est en étant pris dans ce dialogue, donnant l'impression de s'inventer à mesure qu'il se tisse ; que la rencontre, d'abord fugitive, se transforme en duo. Il est d'ailleurs à cet égard passionnant de voir ces deux corps côte à côte, avec leurs spécificités : la rondeur des mouvements de Rihoko Sato, alliée à sa légèreté féline, contrastant avec les élans vifs et anguleux de Teshigawara.

 

 Pour rendre compte du trouble de son personnage, engoncé entre agitation et déstabilisation spatiale, Saburo Teshigawara l'immerge dans un collage musical dont il est à l'origine. De Debussy à la deuxième valse de Chostakovitch, ce sont autant de morceaux qui sont pris dans un flux de répétitivité, de reprises et de superpositions, allant de plus en plus vers une intensité harassante. Le fameux quatuor 14 de Schubert "La jeune fille et la mort", au regard des thèmes développés dans la chorégraphie, y tient une place particulière, entre approche nocturne et sentiment d'inexorable perte. Sertie dans cette ambiance musicale de haute volée, "The idiot" a tout pour être une œuvre phare du grand chorégraphe japonais.

 

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29 septembre 2018 6 29 /09 /septembre /2018 16:56

 

 

Ligne de crête

 

Conception et chorégraphie Maguy Marin

 

Pièce pour 6 interprètes en étroite collaboration et avec Ulises Alvarez, Françoise Leick, Louise Mariotte, Cathy Polo, Ennio Sammarco, Marcelo Sepulveda

 

 

 La précédente pièce de Maguy Marin "Deux mille dix sept", nous avait laissés ici sur notre faim. Si Maguy Marin ancre de plus en plus ses spectacles sur des interrogations contemporaines (en l’occurrence une critique de la mondialisation), la trop grande lisibilité critique de celle-ci l'empêchait, selon nous, de donner une véritable impulsion à sa mise en scène.

 

 En cela, "Ligne de crête" ne déroge aucunement à cette approche ou la frontière entre œuvre artistique et engagement politique se fait de plus en plus ténue chez la chorégraphe. Simplement, là ou "Deux mille dix sept", dans son ambition démesurée, mettait en avant le discours avant la scène, le mérite de "Ligne de crête" est de nous plonger véritablement dans l'univers plastique de Maguy Marin, C'est ainsi que, avant le début du spectacle, les panneaux en plexiglas élevés sur la scène rappellent l'une de ses œuvres majeures, le splendide "Umwelt". Dans ce dispositif quelque peu labyrinthique, on espère alors assister à un ballet de corps, indépendamment de toute question d'élans chorégraphiques, de plus en plus raréfiés chez Maguy Marin.

 

 Mais si "Ligne de crête" se révèle très vite passionnant, c'est dans sa façon d'accoler un discours (l'accumulation des objets de consommation comme dérive déshumanisante) à une dynamique puissante de mise en scène. Mieux, c'est de faire correspondre le discours avec l'épanchement époustouflant de la scénographie en évitant que le premier ne surplombe le second. C'est comme si, dans un temps et un espace donnés, le va-et-vient des performeurs constituait une accélération obsessionnelle d'une seule donnée critique.

 

 C'est le processus d'amplification qui impressionne le plus dans "Ligne de crête" et lui donne une portée remarquable, conduisant à une inexorable perte de sens de tout acte. Cela commence, pour ces personnages vêtus normalement (à l'inverse de "Deux mille dix sept" où la tentative d'absurde était signifiée d'emblée par le port d'éléments extravagants) par un schéma classique : des corps de travailleurs qui investissent leur bureau, y dépose des objets, au départ dans la ligne de leur occupation professionnelle, puis reflétant petit à petit des goûts personnels ou renvoyant à des fonctions totalement autre. Maguy Marin fait de ses actes de plus en plus absurdes la matière d'une peuplement d'espace renvoyant à la consommation pléthorique d'un monde marchand.

 

 Dans ce ballet, les allées et venues sont de plus en plus marqués, paradoxalement, par un sentiment de désappropriation (on ne sait plus quel sens donner au fait de déposer des objets, certains de façon sérialisés). Discours simple (l'accumulation conduit à la déshumanisation), mais portée forte, en ce que les corps de performeurs, pris dans ce ballet de croisements, de répétitions robotiques de gestes, atteint à une intensité invraisemblable. Quand des photos disposées ça et là constituent autant de vignettes politiques ou culturels (Freud, Marx, chars de la place Tien Anmen,etc), les rencontres entre hommes et femmes produit un effet régressif, une perte de sens, où se dénuder où regarder une femme nue deviennent de simples allusions sexuelles sans conséquence.

 

 Pour rendre la portée de "Ligne de crête" encore plus éprouvante, Maguy Marin l'assortit d'un accompagnement sonore ultra-répétitif et, à mesure de l'encombrement de la scène, devient de plus en plus tonitruante. Cet écrin répétitif renforce l'absurdité des gestes et mouvements et propulse cette dernière œuvre dans un champ esthétique où l'interrogation sans cesse renouvelé du monde passe par le prisme du bruit et de la fureur mécaniques.

 

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Blog De Jumarie Georges

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