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9 novembre 2022 3 09 /11 /novembre /2022 14:25

Féministe engagée, l'autrice et metteuse en scène japonaise Yuri Yamada livre avec "Et pourtant j'aimerais bien te comprendre..." une pièce sur la difficulté des rapports hommes-femmes, navigant entre réalisme et onirisme.

 

 

 

Et pourtant j'aimerais bien te comprendre...

 

Texte et mise en scène de Yuri Yamada
 

Avec Minami Ohba, Masayuki Yamamoto, Mayu Sakuma, Konomi Otake, Misaki Yatabe
 

 

 On serait tenté, en partant de l'étiquette de « féministe engagée » attachée à Yuri Yamada, de voir dans sa pièce de théâtre « Et pourtant j'aimerais bien te comprendre... » la matière d'une entreprise radicale d'éreintement. Car on se demande comment l'autrice et metteuse en scène pourrait faire passer un « message » si ce n'est en empruntant une démarche vindicative, destinée à renverser les positions de genre entre hommes et femmes.

 

 Mais la pièce, au lieu de se cantonner dans une posture franche, opère au contraire par un jeu subtil, dont on ne voit pas forcément au départ tous les linéaments, tant elle avance, au fond, sur des modes contradictoires : une allure générale marquée par la sobriété de la mise en scène (un classicisme vaudevillesque lié à la simple disposition d'objets réalistes) ; une dimension doucement loufoque, initiée par les deux « ouvreuses », nattes érectiles sur la tête, qui accueillent tranquillement les spectateurs avec courbettes obligées ; une imprégnation onirique progressive, qui rompt définitivement avec toute sagesse de mise en scène.

 

 Si Yamada n'assène pas de discours sur les inégalités hommes-femmes, c'est qu'elle croit en la vertu de ses personnages, qu'elle aborde avec une certaine douceur. Le couple en présence se dévoile sous nos yeux avec des dialogues témoignant d'un désir consensuel. Nulle violence ne filtre à priori dans leur échange, au point que les dialogues, au départ, paraissent atones, marqués du sceau d'une politesse lénifiante. La subtilité de l'approche de Yamada réside dans sa façon de recomposer ses personnages, telle une partition musicale où des lignes distinctives se chevaucheraient pour entrainer une confusion dans l’identification de chacun et chacune.

 

 En l’occurrence (et on l 'apprend dans le dossier de presse du Festival d'automne), les différentes figures féminines (bonnes y compris) sont supposées être une seule et même personne. Pour Yamada, cette diffraction « cubiste » (sans les aspérités que représente le mouvement pictural) est le meilleur moyen de ne pas charger une seule d'une parole par trop démonstrative. Le beau personnage de l'amie, toute en tension nerveuse et de rejet outré du masculin, porte le poids de cette revendication, au point d'être une figure solitaire, mais émouvante. À elle toutefois d'endosser la conscience de l'héroïne, en lui intimant dans les moments-clé ; « Ne sois pas désolé ».

 

 Travaillé par une irréalité galopante, « Et pourtant j'aimerais bien te comprendre... » parvient, en son cœur conflictuel autour de l'aveu de la femme enceinte, à un point de renversement vertigineux, mais amenée de la façon la plus naturelle possible : en une audacieuse permutation des rôles, la question de la violence est déplacée, comme pour en livrer une perspective nouvelle, un point de vue décalé, mais à l'impact fort. C'est tout l'intérêt de la pièce de Yuri Yamada d'opérer ainsi, sans crier gare, en faisant glisser ses personnages vers une pente grouillant de persistantes interrogations existentielles.

 

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