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18 mai 2013 6 18 /05 /mai /2013 22:36

 

 

 

 

The Grandmaster

 

Film de Wong Kar-wai

 

Avec Tony Leung Chiu Wai, Zhang Ziyi, Chang Chen, Qinqxian Wang

 

 

 La sortie très attendue du nouveau film de Wong Kar-wai, après plus de six ans sans tournage, pouvait susciter autant d'impatience que de curiosité. Habitué au romantisme glamour du cinéaste hongkongais - qui a culminé avec "In the mood for love" -, le spectateur peut légitimement s'étonner que Wong Kar-wai revienne sur le devant de la scène avec un genre aussi codé que le wu xia pian.

 

 Etonnement qui, pour certains vire au scepticisme : comment ce cinéaste subtil peut s'engouffrer dans les pas d'un Ang Lee ou de Tsui Hark qui, respectivement avec "Tigres et dragons" et "Détective Dee", et, à un autre degré, Zhang Yimou, ont redoré le blason du film de sabre chinois, et par là même, leur carrière ? Y aurait-il donc un opportunisme de la part de Wong ? Ou tout simplement un manque d'inspiration ?

 

 Il faut cependant rappeler qu'avant le virage décisif d'Ang Lee - contribuant à populariser le film de sabre au niveau international - Wong Kar-wai avait déjà touché aux scènes d'actions sur fond d'histoire costumée, avec "Les Cendres du temps", son troisième long-métrage, et qui reste l'un de ses plus beaux. Seulement, dans ce film où déjà s'installait une profonde mélancolie, Wong Kar-wai avait totalement déjoué, pour ne pas dire détourné, les scènes de combat obligées. Elles n'étaient constituées que par des brouillages visuels dignes de la peinture abstraite. Comme si, à ce moment, le cinéaste ne désirait pas respecter la charte de la représentation de ce style si codé.

 

 De combats flamboyants, "The Grandmaster" n'en manque pas. S'ils n'ont pas la splendeur démocratique de "Tigre et dragon", la virtuosité baroque de "Détective Dee" ou la stylisation vaine du "Secret des poignards volants", de Zhang Yimou, ils traduisent cependant l'évolution de Wong kar-wai depuis "Les cendres du temps". Le cinéaste s'y colle, tout en enrobant ces séquences d'un formalisme particulier, au travers d'une attention portée aux différentes composantes de l'espace : brume, pluie, etc.

 

 Cette attention particulière au cadre dans lequel s'effectuent ces combats, si elle dessine un espace particulier, fuyant et opaque, s'accompagne d'un paradoxe : là où Ang Lee rapprochait sa caméra des corps des acteurs, filmant souvent en plan moyen (l'un des effets de séduction de "Tigre et dragon"), Wong kar-wai, égal à son traitement "romantique" des corps, se tient au plus près de ses acteurs. S'il consent à se plier au cahier des charges consistant à filmer avec ampleur les combats, il n'oublie pas ses fondamentaux en inondant, même au sein des combats, les scènes de gros plans.

 

 L'intime, le confidentiel, alternent ainsi avec le collectif. C'est Zhang Ziyi, plus que Tony Leung, qui se révèle la passeuse entre ces deux frontières. Actrice à la beauté transparente (la révélation de "Tigre et dragon"), on peine au départ, en contemplant son visage, à y voir se dessiner une quelconque profondeur sentimentale. C'est en inscrivant son corps dans l'épreuve de la bataille, à deux moments clés (avec Ip Man puis avec Ma San), que son personnage devient réellement intéressant, qui plus est sous l'écoulement du temps.

 

 Là perce réellement le Wong Kar-wai qu'on connaît et qu'on apprécie : quand il enserre ses personnages dans cette bulle temporelle flottante, où la nostalgie reprend ses droits, où le sentiment d'incomplétude enveloppe les caractères à leur insu ; où l'énonciation des affects quittent les lèvres pour s'imprimer en lettres sur l'écran, pour ne finalement laisser advenir la parole que pour de tardifs aveux. En déjouant le règlement de compte attendu entre Ip Man et Ma San, Wong kar-wai conduit son film vers un apaisement inattendu, où les rides de Zhang Ziyi ne sont pas seulement un artifice représentant la vieillesse, mais viennent tapisser un récit dont la toile de fond historique enveloppe le tout d'un manteau nostalgique.

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