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8 juin 2014 7 08 /06 /juin /2014 14:02

 

 

 

 

Singspiele

 

Spectacle de Maguy Marin

 

Avec David Mambouch

 

 

 Dans l'univers de plus en plus ténu de Maguy Marin, "Singspiele" occupe une place de choix. A côté de la disparition de plus en plus programmée de toute dimension spectaculaire, on assiste avec ce nouvel opus à une sorte de retranchement supplémentaire des postures, puisqu'il passe par l'escamotage d'un élément moteur de la relation au monde : le visage.

 

 Pour autant, que le visage de David Mambouch, l'interprète, ne nous soit pas visible ne signifie pas pour autant qu'on se trouve dans un assèchement mortuaire qui ne laisserait place à aucun lien. La beauté immédiate de "Singspiele" - amorcé par un court extrait d'un lied de Schubert qu'on croirait sorti du "Chant du cygne" - tient à ce maintien subtil entre affirmation et disparition ; la solitude d'un corps, alliée à une nudité de la scène : il n'en faudrait pas plus pour croire à une série de moments ultimes qui seraient égrenés à travers tous ces masques qui se suivent.

 

 Par la lenteur cérémonieuse avec laquelle David Mambouch les glisse lentement, les masques prennent l'allure d'un effeuillage, mais dont on ne saisirait que la rythmique maîtrisée. "Singspiele" emprunte ainsi à une forme de rituel, dont le fond serait de se maintenir sur le fil étroit de l'affirmation et de la négation : affirmation d'une présence, négation de sa manifestation la plus claire. Quelque chose glisse, se dérobe, dans cette lenteur litanique. La surprise d'un visage reconnu (Bernard-Henri Lévy) provoque tout à coup une rumeur amusée dans le public. C'est que de cette lenteur peut se dégager, in fine, un sentiment de fête étouffée, d’où transparaît une notion de partage. Car, comme souvent, cette œuvre épurée à l'extrême, n'est pas sans renvoyer, sans discours asséné, aux bruissements du monde, à ses plus intimes chuchotements.

 

 Le corps solitaire de Mambouch - mais empli de toutes les possibilités humaines, ouvert à toute les métamorphoses - semble par moment flotter, glisser, incertain des chemins à suivre, pris entre raidissement et lente avancée ; cerclé dans un écrin sonore particulier (conçu par David Mambouch lui-même), en forme d'incessant vrombissement de voiture, comme si le corps se trouvait "au bord", dans la lisière des bruits du monde et de leur effacement. Dans ce défilé de visages conçu comme hommage adressé au monde avant fermeture, c'est toute l'habileté scénique de Maguy Marin qui transparaît, en des nuances d'une infinie délicatesse.

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