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16 octobre 2014 4 16 /10 /octobre /2014 17:03

 

 

"Schubladen", par le collectif She She Pop, au Théâtre des Abbesses, à Paris, jusqu'au 17 octobre 2014.

 

 

Schubladen

 

Par le collectif She She Pop
 

 

 A première vue, rien de bien croustillant à se mettre sous la dent en regardant "Schubladen" (tiroirs, en allemand). Pourtant, avant que les comédiennes ne s’emparent de la parole pour ne plus vraiment la lâcher pendant deux heures, il y avait matière à envisager la pièce sous un angle ludique : la disposition de livres dans des caissons répartis sur le devant de la scène préfigurait la promesse d’une exploration sans retenue, où le maniement des livres se calle sur une volonté de lever les mystères irrésolus ou les espoirs déçus. Que la culture - dont le livre est le vecteur essentiel - se frotte à l’histoire pour en faire jaillir vérités et mensonges…

 L’entrée sur la scène d’une comédienne tirant un caisson avec une corde donnait le sentiment que cet aspect ludique attendu allait s’imposer d’entrée de jeu. Il n’en fut rien, du moins pendant un bon bout de temps dans le spectacle. Peut-être y avait-il, dans la relation entre culture et politique, le souvenir d’un spectacle "Que faire ? Le retour" où la question politique prenait très vite un tour burlesque, et la présence des livres s’inscrivant avec bonheur dans la farce.

 Les livres, on en manipule au fond pas mal dans "Schubladen", comme s'il fallait prendre appui sur une mémoire livresque pour rendre compte d’une époque, celle des deux Allemagnes, Est et Ouest, où la fracture géographique, idéologique, devenait aussi une fracture humaine. Le collectif féminin She She Pop se plaît à médiatiser ainsi le croisement de personnages évoquant leur rapport à ces deux Allemagnes à coup d’anecdotes plus ou moins savoureuses. Seulement, cette évocation met tellement en avant la parole que l’on peine au départ à envisager cette pièce autrement qu’un défilé discursif. Le flux langagier plombe un peu cette pièce où les comédiennes passent la plupart de leur temps assises sur une chaise. Manière peut-être pour le collectif de nous signifier que restriction de liberté rimait avec bureaucratie (représentée notamment par des photos de salles de réunion défilant sur un écran au fond de la scène).

 En tout cas, cette fixité rigidifie la mise en scène, et cette impression est accentuée, pour le spectateur, par le fait d’avoir à lire sans cesse des sur-titres. Pourtant, passés ces longs moments statiques, le spectacle arrive à trouver un régime narratif plus intéressant. C’est que, petit à petit, les comédiennes arrivent à quitter ce dispositif assez contraignant et rebutant d’une position assise pour investir l’espace. Cela se fait en concomitance avec des récits de plus en plus individualisés, qui parviennent à déverouiller le carcan des tentatives de compréhension de l'autre formulées par des questionnements débutant par "Explique…". Une comédienne se détache petit à petit du lot pour livrer un jeu plus aérien. Une autre raconte ses premiers émois sexuels avec son frère.

 Mais c’est surtout grâce à la musique que le spectacle se déride complètement. D’un sujet marqué au départ par un thème de séparation, on passe à des envolées où l’évocation de son expérience passée est soutenue par un souvenir musical (comme cette femme qui remet plusieurs fois le beau "Twist in my sobriety" de Tanita Tikaram). Les morceaux créent ainsi des ruptures de ton salutaires dans une continuité dramaturgique trop bien huilée. En parvenant à insuffler une dynamique chorégraphique aux corps (belle scène autour de Katarina Witt, la patineuse de la RDA), la musique permet aux personnages de créer des points de rapprochement, d'initier des frémissements salvateurs ; une belle façon de reléguer une histoire douloureuse aux oubliettes.

 

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