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26 octobre 2014 7 26 /10 /octobre /2014 23:40

 

 

 

 

 

Still the water

Film de Naomi Kawase

Avec Nijirô Murakami, Jun Yoshinaga,
Miyuki Matsuda, makiko Watanabe

 

 

 

 Avec "Still the water", Naomi Kawase, en cinéaste rodée, confirme (ou affirme) sa tendance, qui consiste à puiser dans des éléments biographiques pour impulser à ses fictions l’énergie nécessaire. Posture qui se prolonge par son double statut de cinéaste de fiction et de documentaire. Ainsi, la matière initiale, dans ce film, tient à la fois à la découverte chez Naomi Kawase d’un lien familial avec l’île d’Amami, et de la perte de sa grand-tante adoptive, qu’elle avait tant filmée dans ses premiers documentaires.

 Autant de points d’appui réels qui vont fonder la mise en place d’une fiction, tout en gardant la possibilité de naviguer de la fiction au documentaire. Dans "Still the water", on reconnaît ainsi un ensemble de postures qu’il n’est pas difficile de ranger au rayon des actes rituels, liés à des cultes animistes, dont Amami garde encore fortement l’empreinte. Ce rapport au réel culmine dans la  séquence de la mort de la mère de Kyoko.

 C’est cet arrière plan "vériste" qui permet à Naomi Kawase de s’attarder sur le paysage, pour en faire un personnage à part entière. Entreprise cohérente quand on sait le rapport intime existant entre l’homme et la nature dans la religion Shinto, essentielle au Japon. C’est aussi là qu’il y a risque : quand Kawase, désireuse de faire sentir au spectateur la beauté indéniable d’un lieu, insiste sur tel coucher de soleil, en accompagnant un plan par la parole d’un personnage ("Que c’est beau"). Qu’un plan magnifique (la première fois que Kyoko se dresse derrière le vélo de Kaito) sert à ouvrir sur un paysage, les trois ou quatre séquences suivantes, à trop vouloir réitérer cette beauté, finissent par l'affadir quelque peu.

 Dans "Still the water", il y a un acquis (le paysage, l’animisme, la réalité transcendantale) sur lequel vient se greffer l’expérience de deux jeunes (Kyoko et Kaiko), que Kawase s’applique à distinguer de manière tranchée : l’une est à l’aise avec l’eau (belle séquence où Kyoko nage habillée vers le vieux), l’autre en a peur, comme un petit enfant immature. Ce partage entre mode d’appréhension d’une réalité documentaire et division fictionnelle culmine dans la belle (et longue) séquence de la mort de la mère de Kyoko. Etirée comme une scène d’agonie à l’opéra, elle repose ici sur la traduction des rituels propres à l’île d’Amami : on se met à chanter, tandis qu’un musicien soutient son chant en jouant du sanshin, luth à trois cordes équivalent du shamisen.

 Cette approche documentaire, si elle révèle la volonté de Naomi Kawase de rendre compte des rites spécifiques à l’île, est pourtant investie par ce qui caractérise la démarche habituelle de la cinéaste, fondée sur une dialectique entre la naissance et la mort : cette scène fait ainsi aussi bien référence, dans son dispositif, à son approche de la mort dans un documentaire comme "La danse des souvenirs", autour de l’agonie du photographe Kazuo Nishii, qu’au film "Naissance et maternité", qui concerne l’accouchement de son fils.

 La mort n’est ainsi jamais conçue comme un moment définitif, mais destinée, dans un mouvement de réversibilité, à se lier avec une naissance. La mort de la mère de Kyoko ouvre, vers la fin, sur la naissance d’une relation avec Kaiko. Au regard de l’intention de Naomi Kawase de représenter l’île d’Amami sous un angle affectif, à travers notamment des séquences improvisées, cette approche narrative basée sur une dialectique peut paraître forcée. C’est finalement la liberté de ses personnages qui s’en ressent. Contradiction finalement assez habituelle chez Naomi Kawase, qui n’empêche pas "Still the water" de toucher à certains moments. C'est particulièrement quand les choses flottent chez elle, quand les personnages se dessinent de manière feutrée (beau personnage du père de Kyoko, ouvert et sensible), que le film emporte le spectateur vers des rivages apaisants.

 

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