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5 avril 2015 7 05 /04 /avril /2015 20:38

 

 

 

 

 

Anton Tchekov 1890

Film de René Féret

Avec Nicolas Giraud, Lolita Chammah, Robinson Stévenin, Jacques Bonaffé

 




 Difficile d'aborder à priori le film de René Féret, sans contourner certains obstacles, alors même que l'impression première tient à une sorte d'évidence, d'équilibre. Pas de torsions narratives auxquelles raccrocher son intérêt, d'ambiguïté qui nous ferait passer à côté d'éléments de la fiction.

 L'un de ces premiers obstacles est visuel, tant le film en costume - et l'ancrage historique qu'il suppose - tend à en unifier l'aspect plastique. Difficile d'échapper, de prime abord, à cette visibilité. "Anton Tchekov 1890" opère par ailleurs dans une sorte de confort spatial, où les agissements des personnages semblent à peine perturbés par les éléments extérieurs. Il en est ainsi de l'arrivée de figures importantes du monde littéraire, venues appuyer Tchekov, reçues dans une sorte de subterfuge : un temps, c'est le frère qui reçoit ces pontes du monde littéraire, comme s'il fallait différer la possibilité d'une nouvelle qui risque de fracturer le quotidien en créant une déflagration.

 Cette tranquillité qui évite en somme tout bouleversement, elle est manifestée dans l'une des scènes les plus surprenantes du film - mais qui ne fait pourtant que renforcer une harmonie des lieux et des êtres : quand tout le monde, dans la maison, doit faire silence lorsque Tchekov écrit. Le plan où tous sont immobiles, attendant le moment où il sortira de son bureau, est tout autant surprenant que désopilant. La scène ne vise pourtant pas à donner de l'écrivain une image de personnage tyrannique, autour duquel tout doit tourner. Il s'agit plutôt de la part des autres d'une sorte de respect du personnage, qui confine à la vénération.

 Et ce n'est pas  plus la visite de Tchekov à l'île de Sakhaline qui imprime une orientation particulière au film de Féret. Là où l'on s'attendrait à une bascule narrative - tant le sujet relatif au témoignage sur les sévices infligés aux bagnards contient un potentiel horrifique -, l'approche se veut en fait très elliptique. Exit la représentation du trajet (quelques dix mille kilomètres) qui, pour un Tchekov déjà malade, représentait une prouesse physique extraordinaire. Exit la peinture de la douleur des prisonniers, si ce n'est lors d'une séquence de punition où l'écrivain détourne les yeux.

 Dans cette partie, Féret préfère au fond mettre l'accent sur ce que Tchekov dit des femmes et des enfants, suggérant à peine la prostitution qui y régnait. Est-ce à dire que cette vision est totalement édulcorée ? S'il y a certainement de la part de Féret une volonté de gommer les aspérités du film, en évacuant la dimension politique du film - reproche que l'on faisait à l'époque à Tchekov -, c'est pour se mettre dans le droit fil du caractère du personnage, homme profondément humaniste, qui visait à améliorer le sort de ses concitoyens. L'unité du film, par ses enchaînements sans secousses, vaut comme unité du personnage, envisagé non pas dans un rapport conflictuel au réel, à son prochain, mais comme force créatrice de liens. Et cela, c'est déjà beaucoup.

 

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