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28 septembre 2015 1 28 /09 /septembre /2015 20:34

 

               Photo : Youngmo Choe

 

 

Dancing Teen Teen

 

Spectacle de Eun-Me Ahn

 

 

 On le sait maintenant, bien que son apparition en France soit tardive, mais la chorégraphe et performeuse coréenne Eun-me Ahn fonctionne beaucoup à la série. "Dancing Teen Teen", avec "Dancing Grandmothers" découvert l’année dernière, fait partie d’une trilogie (la dernière pièce, "Dancing Middle-Aged Men", sera présentée au MAC de Créteil).

 

 Comme dans "Dancing Grandmothers", "Dancing Teen Teen", opus consacré à la jeunesse coréenne, s’ouvre sur une prestation de la chorégraphe. Seule sur scène, sans musique, ses mouvements circulaires, appuyés par des arabesques des bras, oscillent entre virtuosité contenue et relâchement facétieux. Une mise en train qui tient du prélude cool, déconnecté de ce qui va suivre. Car avec l’entrée en scène des jeunes danseurs, c’est un tout autre rythme qui prévaut : fougueux, sans retenue, exalté, comme si l’on pénétrait dans une boîte de nuit par inadvertance, pour être médusés par l’énergie déployée par ces jeunes.

 

 On aura beau se sentir moins familier de ces danses urbaines, se dire qu’il n’y a là que l’expression d’une assimilation de déhanchements purement occidentaux, il faut reconnaître à Eun-me Ahn une vertu précieuse : celle de documenter un pan d’une réalité de la vie coréenne, qu’un simple occidental (touriste de surcroît) ne pourrait mesurer, tant il est féru de beauté et de traditions (ce qu’offre, largement, la Corée).

 

 Comme dans "Dancing Grandmothers", la vidéo prend place ici, en un long intermède découpant le spectacle en deux ; longue, répétitive, certes, elle témoigne pourtant de cette attention chez Eun-me Ahn à prélever, dans le réel de la vie des jeunes coréens, quelques palpitations essentielles. Traversés par quelques moments surréalistes (en arrière plan, des gymnastes courent sur un tapis roulant ; des enfants qui s’adonnent à la luge), ces traces réalistes sont livrées avec une grande unité spatiale et géographique : souvent dehors, filmées en hiver. Et même s’ils sont vêtus de lourds habits, la danse qui palpite de ces jeunes corps indique à quel point il y a une réserve de danse à explorer, un potentiel physique à révéler.

 

 C’est en cela que la translation du travail d’Eun-me Ahn se révèle passionnante : en passant la réalité dans son filtre créateur, elle permet au spectateur d’appréhender des moments singuliers de son peuple. Volontairement pop, le spectacle accumule un travail sur la couleur, entre multiplication des changements de vêtements bariolés (les chaussettes ont rarement la même teinte) et des variations sur la lumière étonnantes (dans une seule scène, des vêtements changent de couleur simplement par le jeu des lumières).

 

 Ainsi, le point de départ, documentaire, chez Eun-me Ahn, devient foncièrement axé sur une artificialité revendiquée. Elle en arrive ainsi à évoquer, par l’usage soutenu de pois, l’univers de la grande plasticienne Yayoi Kusama. Et avec les jeunes coréens s’exprimant dans un micro avec un savoureux accent, c’est à Pina Bausch à laquelle on pense : cette capacité à créer, par la plus simple adresse au public, en seulement quelques phrases savoureuses, le sentiment d’un doux partage.

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