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23 décembre 2015 3 23 /12 /décembre /2015 22:31

 

 

 

Paris Nanjang

 

Avec Kim Duk-soo, Kim Ri-hae & SamulNori Hanullim Performing Arts Troupe

 

 

 

 Finalement, ils ne seront venus que pendant 3 jours, alors qu'il en était prévu 5. Eux, ce sont avant tout Kim Duk-soo, la figure charismatique du Samulnori, accompagné de sa troupe, SamulNori Hanullim, détonnant ensemble de percussions. Familiers des spectateurs du Théâtre du Soleil avides d'échappées asiatiques, ayant tissé un lien avec la troupe d'Ariane Mnouchkine, puisqu'ils les ont formés à la percussion, en vue du spectacle "Tambours sur la digue".

 

 Venus 3 jours seulement ? On apprendra que ce changement serait principalement lié à la volonté de Kim Duk-soo de proposer un spectacle différent de celui qui était prévu, en hommage... aux victimes du 13 novembre à Paris. Et, comme bon nombre de spectacles que l'on aura pu voir depuis le début de cette saison coréenne (Rituel chamanique, Jongmyo Jeryeak), tout commence par une cérémonie, lors de laquelle résonnent déjà gongs et tambours, éléments moteurs de ces styles. Bougies allumées, spectateurs qui montent sur scène pour participer au recueillement : l'hommage ne déroge pas à cette règle purement asiatique d'entremêler musique, fête et spiritualité.

 

 Avec cette entrée en matière, le chant se fait très présent, et ponctuera, tout au long du spectacle, les folles envolées percussives. Volonté de créer un plan plus humain, comme une prière qui s'étalerait tout le long, avec une chaleur supplémentaire. Et quand Kim Duk-soo apparaît seul et vient se placer, assis, devant les spectateurs, muni de son janggu, il se coule dans une enveloppe d'officiant ouvrant une cérémonie.

 

 L'homme, né en 1952, les cheveux grisonnants, ne semble n'avoir rien perdu de sa prestance et il tire déjà du janggu ces sons si caractéristiques : de sa main gauche, il produit des sons secs, mélodiques, tandis que la droite tire des sons sourds. Un instrument d'une malléabilité étonnante, dont la fortune est loin d'être tarie, tant son champ d'expression est large dans la musique coréenne : utilisé aussi bien dans des formes plus savantes, comme le Sanjo ou le Sinawi, il accompagne aussi le Pansori, ce désormais fameux chant coréen, de manière aussi discrète qu'essentielle.

 

 Lorsque Kim Duk-soo est rejoint par son ensemble, composé de jeunes musiciens, on pénètre très vite dans la quintessence de cette forme musicale, dont la séduction s'exerce très vite sur l'auditeur. Car le Samulnori n'est pas seulement ce déchaînement percussif intense qui imprime un rythme endiablé dû à son origine populaire. En évoluant, en passant des cérémonies liées au riz dont il tire sa source à la scène, il a gagné en subtilité et en sophistication. Au comble d'une frénésie instrumentale, il y a souvent, dans les pauses, les suspens, cette impression de vouloir créer un courant paisible, où les sons s'étouffent, pour mieux repartir dans l'accélération. Mais c'est bel et bien les précipitations rythmiques, la façon dont les musiciens engagent leur corps avec leur instrument (héritage des cérémonies chamaniques qui confinent à la transe) qui rend leur prestation époustouflante.

 

 Après l'entracte, le spectacle prend une autre teneur : une grosse percussion, installée presque en fond de scène, attend son exécutant. C'est Kim Ri-hae, danseuse de Salpuri, autre style coréen emblématique, qui apparaît. Particulièrement lente et gracieuse, cette danse, qui utilise comme principal accessoire un long foulard blanc, atteint un haut degré de délicatesse. Mouvements des bras, brèves accélérations du corps dans l'espace, le Salpuri confine à l'évanescence jusqu'au sidérant morceau de bravoure qui le caractérise : la danseuse, quittant ses gestes éthérés, s'empare de deux bâtons et engage avec le tambour un corps à corps virtuose. Martellements stupéfiants, gagnant progressivement en force, associés à un subtil jeu sur les bords de la percussion. De façon inhabituelle, Kim Duk-soo, présent sur les côtés, accompagne Kim Ri-hae avec son janggu. Les sons produits dessinent alors une palette sonore enrichie, tel un dialogue improvisé.

 

 La suite est des plus réjouissantes et constitue peut-être l'un des aspects les plus surprenants du Samulnori : voir des musiciens habillés avec des coiffes extravagantes, de longs rubans voletant, avec lesquels ils vont harmoniser rythmes percussifs et mouvements de tête. Une fantaisie qui flirte avec une veine folklorique, mais qui, avec ce groupe, atteint à un haut degré de jubilation. Il faut les voir effectuer des courses circulaires, tout en continuant à jouer. Tour à tour, un musicien s'extrait du lot pour livrer un solo, comme celui qui, dans la première partie déjà, se distingue avec son kkwaenggwari, petit gong au son particulièrement retentissant qui sert de fil conducteur musical. On note ce moment cocasse où, assis, le percussionniste produit des résonances entre son morceau  et les mouvements de son chapeau de plumes.

 

 Et, comme dans la majorité des spectacles coréens, le public, à la fin, est invité à participer à la fête, qui se prolonge et se termine à l'extérieur, autour d'un feu. Une façon de retrouver, sur une tonalité mineure, l'origine profonde du SamulNori, conçu, entre autres, comme une cérémonie de village liée à la célébration du riz.

 

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