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22 octobre 2016 6 22 /10 /octobre /2016 10:42

 

 

 

Hearing

 

Texte et mise en scène de Amir Reza Koohestani

 

Avec Mona Ahmadi, Ainaz Azarhoush, Elham Korda et Mahin Sadri

 

 

 

 Avec "Hearing", l'auteur et metteur en scène iranien Amir Reza Koohestani poursuit un théâtre intimiste, qui surprend à priori par sa simplicité visuelle. Quand on voit arriver la première comédienne sur scène, comme figée, dans une sorte de non-jeu, à l'expressivité minimale, renforcée par ce port austère à nos yeux d'occidentaux, dont le voile serait l'emblème.

 

 Un théâtre qui nous ramènerait, de par son économie visuelle, aux confins des représentations d'avant, dans une frontalité à la grecque. C'est qu'ici, les deux femmes apparaissant sur scène s'adressent à une troisième, assise sur le côté, dans la salle. Cette disposition, si elle créé un trouble certain dans la représentation (une trouée perceptive, en quelque sorte, dans le sens où l'on entend plus une voix qu'on ne voit le corps qui l'émet), n'en rend pas moins compte de cette épure de la pièce de Koohestani. Façon déjà de faire référence au film dont il est inspiré, "Devoirs du soir", du regretté Abbas Kiarostami, dans lequel le cinéaste, se substituant à un instituteur, interroge des enfants dans une classes sur les raisons pour lesquelles ils ne font pas leur devoir.

 

 Cette position de retrait, tout en permettant de libérer une puissance d'interrogation, prend chez Koohestani une allure d’enquête policière, en renvoyant à une actualité brûlante sur la façon dont, en Iran, on surveille les individus. Nous sommes dans un pensionnat de jeunes filles et, en s'appuyant sur le témoignage de l'une d'elle, une jeune femme est accusée d'avoir fait venir son amant dans sa chambre. Dans l'interrogatoire qui s'ensuit, où les paroles de l'accusée sont confrontées à celle qui aurait vendu la mèche, c'est tout ce vertige entre vérité et mensonge, entre aveux et dissimulation, qui est restitué avec une indécision flottante. Comme si une vérité probable (la venue de l'amant), à force de passer par le tamis du doute, de la manipulation langagière, finissait par revêtir un caractère fantasmatique.

 

 La tension palpable entre les deux jeunes femmes et cette gardienne des bonnes mœurs – qui vante au passage sa bienveillance – rend sensible ce partage clivant entre les êtres, que le simple dispositif accentue. Cela n'empêche pas Koohestani de nous surprendre par une étonnante introduction de la vidéo : les comédiennes vont jusqu'à enfiler des caméras à leur tête et, dans une posture de martiennes, se mettent à suivre les déplacements des autres. Dispositifs de surveillance qui, s'il exalte une obsession sécuritaire dit aussi, sur un mode plus esthétique, l'intention de Koohestani de creuser cet espace paraissant par trop bouché, plane, pour apporter quelque respiration à ses personnages, allant jusqu'à les suivre dans les coulisses ou l'entrée du théâtre. C'est ce qui s'appelle chercher (et trouver) une échappatoire.

 

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