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10 avril 2017 1 10 /04 /avril /2017 21:04

 

     Photo : Anne Van Aerschot

 

 

A love supreme

 

Chorégraphie de Anne Teresa de Keersmaeker et Salva Sanchis

 

Avec José Paulo dos Santos, Bilal El Had, Jason Respilieux, Thomas Vantuycom

 

 

 

 Rien d'étonnant à voir Anne Teresa de Keersmaeker s'emparer d'une chorégraphie pour en livrer, bien des années plus tard, une nouvelle mouture. On en a encore un exemple récent avec "Verklärte Nacht" (La nuit transfigurée), créé en 1995, puis proposée sous une forme plus resserrée, mettant en avant la notion de couple. En effet, pour la chorégraphe, reprise n'équivaut pas à répétition – ce qui, dans le champ de la chorégraphie, va à l'encontre de toute notion de préservation d'une mémoire créatrice. Reprendre, c'est non seulement revivifier, mais transformer, injecter une autre sève, hors de toute réappropriation muséale.

 

 C'est ainsi que, conçu avec Salva Sanchis, "A love supreme", plus de dix ans après sa création (2005), nous est livré avec, comme effet immédiat, cette capacité à produire une puissance de déflagration que l'on ne croyait pas possible. Ceux qui avaient déjà assisté à la première version, sans pouvoir établir des différences avec la nouvelle, pourront tout au plus se dire : "Ça n'a rien à voir". Et c'est peut-être de cette façon qu'il faut appréhender la démarche d'Anne Teresa de Keersmaeker, en se disant simplement qu'il faut regarder "A love supreme" comme une nouvelle œuvre qui aurait, tel un reptile, abandonné son ancienne peau pour en revêtir une neuve.

 

 Se dire aussi qu'avec la musique de John Coltrane, moment phare de l'histoire du jazz, on tient un socle inébranlable, tellement mouvant et à la modernité toujours étincelante, que l'on ne peut que s'y confronter dans un perpétuel renouvellement. Et si la relation à la musique est essentielle chez de Keersmaeker, elle trouve ici une façon de s'exprimer ici particulièrement stimulante.

 

 Conçue cette fois-ci pour quatre danseurs (à l'origine, autour de Salva Sanchis, évoluaient aussi des femmes), la pièce s'engage dans une dynamique particulièrement intense, alors que le début, silencieux, posait des jalons chorégraphiques, tel un prélude muet. Et devant une telle musique, la science rythmique des deux chorégraphes ne consiste aucunement à se calquer sur les motifs thématiques de l’œuvre de Coltrane. La puissance d'improvisation qui la nourrit ne saurait souffrir des figures essentiellement répétitives. C'est ce qui rend cette version si passionnante, puisqu'on sait à quel point la chorégraphie d'Anne Teresa de Keersmaeker repose beaucoup sur des figures repérables (avec ses fameux formes tourbillonnantes). Ici – et en cela, on imagine que c'est aussi lié à l'apport de Salva Sanchis -, la danse se fait plus âpre, moins tenu dans ces combinaisons savantes maîtrisées.

 

 A la manière d'un "Sacre du printemps" versant Pina Bausch, "A love supreme", à mesure qu'il se développe, place en son centre une figure principale qui, en émoustillant les autres, les mène à un degré d'expressivité intense. Thomas Vantuycom, éblouissant dans ce statut de passeur, en impose non seulement par sa taille, mais par cette capacité à mêler haut degré de technicité et dépense débridée. C'est tout le prix de cette nouvelle version que de porter haut l'implacable pulsation rythmique d'une œuvre musicale majeure.

 

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commentaires

A
beau blog. un plaisir de venir flâner sur vos pages. une belle découverte et un enchantement.N'hésitez pas à venir visiter mon blog. au plaisir.
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