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3 avril 2017 1 03 /04 /avril /2017 21:32

 

 

 

Never, never, never

 

Pièce de Dorothée Zumstein

 

Mise en scène de Marie-Christine Mazzola

 

Avec Thibault de Montalembert, Sarah Jane Sauvegrain, Tatiana Spivakova

 

 

 Découvrir deux pièces de théâtre de Dorothée Zumstein, à quelques semaines de distance seulement, incite forcément à établir des comparaisons. La première, qui saute aux yeux, tient, dans l'imaginaire de l'auteure, à la façon de puiser sa matière fictionnelle dans une véracité historique. Dans "MayDay", présenté au Théâtre de la Colline, cela partait d'une fait divers sinistre : la condamnation d'une petite fille de 11 ans pour avoir assassiné deux enfants. Point d'appui réaliste, digne de manchette de journal à sensation, que Dorothée Zumstein dépasse pour livrer une succession de monologues sous forme de compte à rebours.

 

 Avec "Never, never, never", l'argument, s'il est réel, contourne toute notion de véracité pour déboucher sur une dimension onirique, pour ne pas dire fantasmatique : on y relate les échanges entre le poète Ted Hughes et ses deux femmes successives, Sylvia Plath et Assia Wewill, qui partagent l'horrible sort de s'être suicidé toutes les deux. Comme pour "MayDay", Dorothée Zumstein place ses personnages dans une strate les éloignant de cette approche inaugurale réaliste, puisque Ted Hughes, à la veille de recevoir un prix important, est visité par ces deux femmes.

 

 A la différence de la mise en scène de "MayDay" par Julie Duclos, toute en scénographie changeante et sophistiquée, celle de Marie-Christine Mazzola se signale par une sobriété affirmée. Des tables et des chaises pour tout décor, en décalage, comme pour marquer, dans un premier temps l'appartenance des personnages à des espace-temps différents. Approche aussi simple que délicate nous permettant de nous sentir transportés ailleurs. Il suffit d'une simple invocation, répétée comme une incantation, un prénom (Sylvia), pour que s'amorce cette impression de basculer dans une autre sphère. Les yeux fermés de Thibault de Montalembert juste avant, sont là pour renforcer ce lent basculement. Pour autant, cette impression d'évanescence, à mesure que les dialogues vont aller bon train, va créer un rapprochement des corps et, d'éthérée, la pièce va acquérir une dimension charnelle.

 

 C'est cette sobriété qui rend "Never, never, never" si touchant, favorisant la proximité du spectateur avec ce huis-clos présentant deux femmes différentes. Les deux comédiennes s'y entendent à les rendre singulières : au jeu discret et sensible de Sarah Jane Sauvegrain en Sylvia Plath répond celui, plus déluré et aérien de Tatiana Spivakova – qui va jusqu'à interpréter plusieurs personnages dans une scène loufoque. Thibault de Montalembert, avec un jeu nuancé, est très convaincant en amant égaré entre deux femmes.

 

 Malgré cette ténuité de la mise en scène, "Never, never, never" frappe par la densité de ses dialogues. En cela, il est sans doute plus profond que celui de "MayDay" qui, bien que présentant un récit à rebours à plusieurs voix, a la fluidité d'un pur écoulement verbal que rien ne vient altérer. Avec cette rencontre entre un vivant et deux mortes, "Never, never, never" tente de redonner une forme à des existences meurtries. Il y est moins question d'une quelconque forme de recherche de vérité que de refonder du lien, dans une ultime redécouverte de soi.

 

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