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13 février 2018 2 13 /02 /février /2018 22:44

 

 

 

Centaure

 

Film de Aktan Arym Kubat

 

Avec Aktan Arym Kubat, Nuraly Tursunkojoev, Zarema Asanalieva

 

 

 Le cinéaste kirghize Aktan Arym Kubat, nous avait offert, en 1998, avec "Le fils adoptif", l'un des fleurons des films venus d'Asie Centrale, alors en pleine effervescence cinématographique. Cet élan ayant été largement désamorcé, Arym Kubat, pourtant, continue de tracer son sillon et, en s'inscrivant comme comédien au cœur de ses films, notamment "Le voleur de lumière" (2010), semble se mettre en première ligne pour impulser un mouvement qu'on qualifierait d'idéaliste.

 

 Idéaliste "Centaure" l'est assurément. Le film, en dressant le portrait d'un mystérieux voleur de chevaux, inscrit la trame non pas dans un schéma contemporain, mais borde la trajectoire de son personnage d'une utopie mythologique qui finira par l'aveugler tragiquement. A cet égard, certains reprochent à Arym Kubat de ne pas parler du monde contemporain dans ses films. Pourtant, "Centaure", bien que drapé dans une posture nostalgique, n'oublie pas de laisser percer quelques interrogations essentielles sur l'évolution de la société kirghize, notamment par le truchement d'une tentative de pénétration d'un islam rigoriste.

 

 On s'amuse, dans "Centaure", de la position de Arym Kubat qui, en tant que Centaure, devenu un paria de la société après que ses forfaits aient été découverts, résiste à toute adhésion. Il arrive au contraire à entraîner un jeune islamiste un peu benêt dans son imaginaire, alors que celui-ci avoue de son côté avoir affaire à des djinns.

 

 Si Arym Kubat prend en charge une grande partie du récit, du haut de son personnage tentant de faire revivre des mythes, il n'est pas pour autant écrasant à l'endroit des autres personnages. Au contraire, le cinéaste brosse avec une belle sensibilité une série de portraits, aux premiers rangs desquels la femme et l'enfant partageant la vie de Centaure. Portraits d'autant plus réussis que la femme est muette, et l'enfant, circonscrit dans cet environnement, ne parle pas. Les scènes intimistes, entre Centaure et son fils notamment, à qui la femme intime de parler, sont réellement réussies, avec une belle délicatesse imprégnant les relations.

 

D'un autre côté, Arym Kubat déjoue toute caricature en faisant notamment du cousin de Centaure un homme bien plus empreint d'humanité que sa tendance à frapper à tout va ne le laisse supposer au départ. Le cinéaste pousse cette qualité de lien jusqu'à tisser une relation quasi amoureuse entre une vendeuse et Centaure, atténuant son aspect dramatique par quelques saillies loufoques (la femme venant annoncer à la muette que Centaure la trompe). Plus encore, en enveloppant ses personnages dans l'immensité typique des paysages arides d'Asie Centrale, Arym Kubat n'installe nulle sécheresse narrative ou émotionnelle dans "Centaure". C'est précisément la veine lyrique du film, sa capacité à dépasser les élans nostalgiques, qui en font une œuvre ouverte, rétive aux résistances ou à l'immobilité, appelant à se laisser porter par la puissance de l'imaginaire.

 

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