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30 octobre 2018 2 30 /10 /octobre /2018 22:58

 

"Quasi niente", conçu comme une rêverie autour du film d'Antonioni "Le désert rouge" témoigne de la marque de fabrique de Daria Deflorian : l'introspection dépressive accolée à un burlesque réjouissant, tandis que son compère Tagliarini prend en charge l'aspect corporel.

 

   Photo Claudia Pajewski

 

Quasi niente (presque rien)

 

Un projet de Daria Deflorian et Antonio Tagliarini
 

Librement inspiré du film Le Désert rouge de Michelangelo Antonioni
 

Avec Francesca Cuttica, Daria Deflorian, Monica Piseddu, Benno Steinegger, Antonio Tagliarini

 

 

 Si l'on commence à prendre le pouls des propositions théâtrales du duo constitué par Daria Deflorian et Antonio Tagliarini – après la présentation en 2015 et 2016 de deux spectacles au Festival d'Automne – cette familiarité grandissante ouvre pourtant sur d'autres champs. La seule Daria Deflorian, illuminait la splendide pièce de Lucia Calamaro, "L'origine del mondo", et si "Quasi niente" prend appui sur le film d'Antonioni pour tisser une rêverie dépressive, c'est avant tout cette impression de déjà vu, repéré chez Calamaro, qui prévaut ici.

 

 En effet, que ce soit dans la pièce de Calamaro ou dans "Quasi niente", on retrouve ce même ton introspectif, cette façon de déployer des paroles sur un positionnement existentiel à la tonalité dépressive. Quand dans "L’origine del mondo", Daria deflorian finissait, en des scènes frôlant le burlesque kafkaïen, à se confronter à son frigo comme s’il était un personnage, dans "Quasi niente", c’est à travers le personnage joué par Monica Piseddu que se manifeste cette même tendance à faire dériver le courant de la parole vers un objet : assise sur le bord de son fauteuil, elle se lance dans une plainte nerveuse sur l’inanité de son existence, en mettant l’accent sur l’impossibilité d’unifier son corps, quand elle cherche à passer d’une position à l’autre.

 

 C’est sans doute l’une des scènes les plus emblématiques de "Quasi niente", qui nous montre qu’un personnage, à force de tourner autour de lui-même, révélant son indisposition existentielle, finit par s’empêtrer avec ce qui l’entoure. Nul doute que de Calamaro à sa collaboration avec Antonio Tagliarini, Daria Deflorian a contribué à maintenir ce climat où les longs monologues débouchent irrésistiblement sur une dimension loufoque. Deflorian, dans la pièce, déploie cette effusion verbale, mais en se plaçant d’emblée sur un mode où le burlesque côtoie la dérision. Ses mouvements saccadés, nerveux, en une exagération soutenue, font basculer son rôle vers un état de bouffonnerie revendiquée. Quand l'humour est envisagé comme la respiration ultime…

 

 "Quasi niente", avec cette collaboration fructueuse, exploite d’autres ressources scéniques : la présence de Francesca Cuttica enveloppe la scène d’une aura lyrique, avec les quelques chants qu’elle distille, d’une voix au timbre aussi claire que suave. Mais c’est aussi et surtout la part apportée par Antonio Tagliarini qui confirme la richesse de la pièce, sa capacité à déplacer les lignes langagières, en mettant en avant le corps : les danses chaloupées de Benno Steinegger installent une atmosphère décontractée de soirées italiennes, alors que plus loin les corps se figent dans une improbable position à l'envers. Manière d'inscrire "Quasi niente" dans une phase où la parole se dérobe dans le silence des postures.

 

Au Théâtre de la Bastille, du 23 au 31 octobre

 

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