Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
21 mai 2019 2 21 /05 /mai /2019 16:15

Dans une interprétation toute en délicatesse, le comédien Raoul Fernandez, habitué de l'univers de Stanislas Nordey et de Marcial Di Fonzo Bo, évoque son parcours artistique. Foisonnant et ébouriffant.

 

Portrait de Raoul

Qu'est-ce qu'on entend derrière une porte entrouverte ?

 

Texte de Philippe Minyana

 

Mise en scène de Marcial Di Fonzo Bo

 

Avec Raoul Fernandez

 

 

 Si « Portrait de Raoul » a tout d'une approche intimiste d'un comédien, Raoul Fernandez, la pièce prend très vite une envergure toute autre. Écrite par Philippe Minyana dans le cadre d'une série (Portraits de vie), elle s'appuie sur des entretiens menés avec le comédien. Toute une matière personnelle destinée à définir une trajectoire de vie.

 

 Mais précisément, ce qui rend la pièce si palpitante d'emblée c'est que le comédien puisse rendre, par des évocations pétillantes, toute la saveur des rencontres, restituées de manière désopilante (Stanislas Nordey, envisagé comme un génie de la mise en scène, appelé « le Nordey » et décrit par sa maigreur). Toute la réalité des rencontre dépeinte se teinte à chaque fois d'un caractère irréel. Les personnes évoquées, très ancrées dans l'esprit du spectateur car toujours actives, sont envisagées sous un angle différent, tant elles sont projetées elles-mêmes dans une fiction, entre idéalisation et fantasme. Entre Raoul Fernandez et le spectateur, très vite, c'est un sentiment de complicité qui prévaut, avec notamment les adresses, les questionnements qu'il leur fait, appelant parfois des réponses.

 

 On est ainsi loin d'un portrait auto-centré, narcissique, où le personnage mettrait en avant ses qualités premières. C'est en cela que la pièce de Minyana est remarquable : la façon dont se constitue le personnage de Raoul, à partir d'un matériau autobiographique, prend principalement appuie sur la parole des autres, leur vision. Constamment, la façon qu'a Raoul de franchir des étapes, de passer de costumière à comédien(ne) tient à une injonction faite par un autre : celle de Nordey l'incitant à jouer, ou cette grande comédienne pas nommée l'invitant à « dire quelques mots sur scène ».

 

 Portrait cubiste, en quelque sorte, où Fernandez, dans son ouverture à l'autre, raconte les différentes phases de sa vie amenant à des transformations radicales : essayer une perruque blonde conçue comme une révélation, pousser la féminisation de son corps jusqu'à vouloir se faire pousser des seins par un traitement hormonal. Ce rendu d'un corps en perpétuelle exploration, passant d'une détermination à l'autre, au gré des expériences (refuser les seins) renforce ce sentiment de liberté que l'on sent devant la prestation toute en finesse de Raoul Fernandez. Corps et voix se prêtent à une labilité, entre une théâtralisation des mouvements efféminés (grands mouvements de tragédien) et les moments chantés. L'accent de Fernandez en lui-même ouvre un champ auditif permettant de renforcer le voyage intime.

 

 Si la question du corps à l’œuvre dans « Portrait de Raoul » dépasse celui du comédien, c'est que la pièce est aussi un portrait en creux du metteur en scène Marcial Di Fonzo Bo. Passé par le minimalisme de l'univers d'un Claude Régy (Parole du sage, La terrible voix de Satan), il s'est lui aussi largement fondu dans le champ d'une interprétation sorti d'un cadre hétérosexuel, avec une extravagance revendiquée. C'est peut-être via Copi, l'auteur argentin figure du mouvement gay que les deux hommes se retrouvent : Fernandez est devenu son costumier, tandis que Di Fonzo Bo a mis en scène nombre de ses textes. Ce point d'ancrage, qu'exalte le texte de Minyana, donne ainsi toute sa richesse au « Portrait de Raoul ».

 

Au Théâtre Ouvert, les 20 et 21 mai

 

Partager cet article
Repost0

commentaires

Blog De Jumarie Georges

  • : Attractions Visuelles
  • : Cinéma, théâtre, danse contemporaine, musique du monde, voyages
  • Contact

Recherche