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12 janvier 2019 6 12 /01 /janvier /2019 17:26

Phia Ménard, chorégraphe passé-e d'homme à femme, met au centre de son dispositif scénique une critique de la position dominante masculine. L'aspect revendicatif n'empêche pas de grands moments visuels.

 

      Photo : Christophe Raynaud de Lage

 

Saison sèche

 

Chorégraphie de Phia Ménard

 

Dramaturgie et mise en scène de Phia Ménard et Jean-Luc Beaujault

 

Création et interprétation : Marion Blondeau, Anna Gaïotti, Elise Legros, Phia Ménard, Marion Parpirolles, Marlène Rostaing, Jeanne Vallauri, Amandine Vandroth

 

 

 

 La chorégraphe Phia Ménard, en livrant un spectacle qui interroge la domination masculine, se positionne à un point d'observation particulier, loin de toute distanciation objective : en changeant de sexe pour devenir une femme, elle estime être à l'endroit précis lu permettant de distiller son point de vue. « Saison sèche » ne commence pas pour autant en fixant cet aspect critique. C'est même son étrangeté, la profondeur angoissante du début qui instille une impression forte : des femmes, dont l'attitude les confine dans une animalité fondamentale, évoluent sur la scène, habillées de façon minimale avec, au dessus d'elles, le poids d'une structure contraignante, qui les amène à se recroqueviller à partir du moment où elle s'actionne.

 

 Impression d'une force obscure, supérieure, régissant leur mouvement, limitant leur autonomie. Cette disposition scénique puissante, n'est pas sans évoquer celles d'un Julien Gosselin, sauf qu'ici, la mise en scène n'est pas redoublée ou distanciée par des vidéos. Phia Ménard croit aux corps, et à la possibilité de les interroger en les fondant dans un tissu scénique où les vibrations visuelles ou plastiques modifient leurs engagements physiques.

 

 A partir du moment où les corps des protagonistes femmes se mettent en place, montrent une détermination existentielle, une harmonie se met en place, à coups de mouvements circulaires, sortes de rondes à la Pina Bausch dans « Le sacre du printemps ». Mais sur ce plan là Phia Ménard n'est pas la grande chorégraphe allemande, et la danse proprement dite, réduite à la simple expression d'une énergie affirmative de groupe, ne surprend guère.

 

 La séquence où les femmes , toujours en cercle, nues, se griment le visage et finissent par se retourner vers le spectateur, garde une réelle force, en raison de son expression silencieuse et de son caractère intrigant. De saynètes survoltées en postures explicitement critiques, où les positions des hommes sont mimées jusqu'à la caricature, « Saison sèche » affirme un discours revendicatif.

 

 Cette position discursive pourrait plomber la chorégraphie, mais c'est dans son mouvement final que la pièce prend une ampleur surprenante, tant la force scénique s'y affirme. En forme de réponse à la situation initiale, oppressante, l'espace se délite, sous forme d'un grand tissu se déchirant avec l’apparition des corps. Un liquide noirâtre s'en écoule, donnant une sensation de fin du monde. Une sorte de remise à plat, où la déconstruction funèbre dessine de nouveaux contours, propices à l'émergence d'un nouveau monde.

 

A la MC93, du 10 au 13 janvier

Reprise à La Filature, à Mulhouse, le 4 mai

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