Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
12 septembre 2019 4 12 /09 /septembre /2019 10:06

 

Adepte des contraintes dans ses spectacles, le chorégraphe Boris Charmatz ne se contente pas de faire danser ses partenaires. Pris dans un flux énumératif allant jusqu'à parcourir l'histoire, ils impriment un flux oral et physique vertigineux.

     Photo : Marc Domage

 

Infini

 

Chorégraphie de Boris Charmatz

 

Avec Régis Badel, Boris Charmatz, Raphaëlle Delaunay, Maud le Pladec, Solène Wachter, Fabrice Mazliah

 

 

 Avec Boris Charmatz, la danse, considérée comme expression artistique pure, semble n'avoir pas lieu d'être. « Infini », au titre à priori énigmatique, renvoyant si peu à la question du corps, accentue ce sentiment d'un travail où la danse se confronte une autre dimension.

 

 Ici, ce sont deux textes, qui viennent expliquer le recours à cette notion d'infini : « Histoire mondiale de la France », d'un collectif d'historiens coordonnées par Patrick Boucheron, et « Tout et plus encore », de David Foster Wallace. Mais le public, à priori, n'est pas forcément au fait de ces références qui pourraient brouiller sa perception immédiate du spectacle.

 

 Appréhendé dans sa saisie brute, « Infini » a suffisamment de matière pour intriguer, avec cette approche si spécifique chez Charmatz : placer le corps des danseurs au milieu d'un défi, danser en énumérant. Si la démarche en soi revêt un aspect intellectuel, le résultat, pris dans une dynamique incessante, emporte l'adhésion par son caractère avant tout énigmatique. Car en entendant les danseurs se lancer, dès le départ, dans d'interminables énumérations, l'esprit n'a tout simplement pas le temps de raccorder une intention, une motivation intellectuelle à sa manifestation immédiate, fiévreuse.

 

 Car ce qui apparaît avant tout dans « Infini », c'est du point de vue de l'expression chorégraphique, un maelström de formes, de corps, de figures, emportés dans des mouvements débridés, empreints parfois d'humour et de légèrété virevoltante. S'il est parfois difficile de suivre les danses, c'est que les individualités en présence sont marquantes, emportées dans leur flux. Pas d'effets d'harmonie de groupes, mais une dispersion des formes, accentuée par cette insistance énumérative, moteur d'une énergie globale. Il en résulte une dissociation entre mots et corps.

 

 Dans cette démarche à l'allure contrôlée, ce sont donc les corps des danseurs et danseuses qui viennent déborder l'aspect programmatique. C'est pourtant autour du langage, encore, que la pièce prend une autre allure, quand sont égrenées des dates et des noms de personnes. Leur seule évocation suffisent à créer chez les spectateur.trice.s un imaginaire renvoyant à une condition humaine commune, où elles font office de point à partir duquel chacun-e peut se projeter. Pulsation mémorielle troublante, appréhendée comme autant de points d'ancrages historiques fugitives, volatiles, mais créant un battement sensible. Là où le corps se dissociait de la parole, c'est précisément en égrenant les noms évocateurs que la danse et la parole s'unifient, scintillantes alors comme autant de lampions disséminés au sol.

 

Au Théâtre de la ville - Espace Cardin, du 10 au 14 septembre

A Nanterre-Amandiers, du 13 au 16 novembre

A l'Espace 1789, le 19 novembre

 

Partager cet article
Repost0

commentaires

Blog De Jumarie Georges

  • : Attractions Visuelles
  • : Cinéma, théâtre, danse contemporaine, musique du monde, voyages
  • Contact

Recherche