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12 mai 2022 4 12 /05 /mai /2022 15:26

 Avec la disparition, à 84 ans, de Shivkumar Sharma, grand rénovateur du santour, instrument à cordes frappées, c'est tout un pan de la musique classique indienne qui se trouve amputée.

 

 

 

Shivkumar Sharma : décès d'un grand maitre du santour indien

 

 

 La tradition classique de la musique indienne a développé son lot d'instruments coulés dans le moule des ragas : le fameux sitar rendu célèbre par Ravi Shankar est dérivé d'un luth persan, le setar ; le violon, typiquement occidental, est devenu incontournable aussi bien au Nord qu'au Sud et a fait d'un Subramaniam l'un des génies de la musique carnatique. De la mandoline de Srinivas au saxophone de Kadri Gopalnath, l'espace de la musique classique indienne a toujours ouvert ses portes pour y faire entrer le souffle renouvelé des instruments exogènes. Shivkumar Sharma, mort le 10 mai 2022, en extirpant le santour, de son usage folklorique du Cachemire, pratiqué dans les cérémonies soufies, a élevé l'instrument à des hauteurs de jeu rarement atteint. En ajoutant des cordes au cithare (100), pour lui permettre de restituer les subtilités du raga, il a peaufiné le son le plus subtil qu'une oreille musicale puisse capter.

 

 C'est principalement dans la partie initiale des ragas, l'alap (long développement non mesuré fondé sur l'improvisation) que se manifeste cette inventivité remarquable. Il y a en soi le paradoxe d'un instrument à cordes frappées, joué avec des baguettes tenues au bout des doigts, l'inscrivant d'emblée dans une dimension percussive (voir le jeu dynamique propre à la musique classique persane, où le santour tient une place éminente). La technique de Shivkumar Sharma, dans ces développements méditatifs, consiste à inscrire le son dans une durée, en opérant des frottements des baguettes sur les cordes. Le son, prolongé, devenu cristallin, confère une allure sonore des plus fines, impalpables, qu'il se puisse entendre (d'où parfois la difficulté à entendre ces subtilités sur CD). Dans cette cascade sonore, on croit entendre un ruissellement aquatique, ou le frottement incontrôlé de quelques diamants lancés ensemble sur une nappe de soie.

 

 Ce son soyeux, comble du raffinement musical, n'est pas le seul apport de Shivkumar Sharma. Dans les parties rythmiques des ragas, souvent au comble du développement et du dialogue avec le percussionniste, il mène l'instrument vers un usage percussif, en utilisant littéralement ses mains en appui sur les cordes, dans un de ces moments d'intensité maximale où tabla et cithare convergent vers une même intensité.

 

 Tout comme on verra rarement un flutiste comme Hariprasad Chaurasia dans la musique hindoustanie (du Nord de l'Inde), peu de joueurs, en dehors de Rahul Sharma (son fils à qui il a transmis son savoir) sont à même de suivre les traces d'un tel novateur, si ce n'est dans l'imitation pure. C'est cela le génie musical : tracer une voie en laissant constamment ses empreintes visibles, indélibiles.

 

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