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18 décembre 2022 7 18 /12 /décembre /2022 22:42

Adapté du texte de Robert Walser, "L'étang" confirme les obsessions de Gisèle Vienne sur les identités inquiétantes. L'occasion pour Adèle Haenel d'offrir une interprétation remarquable.

 

 

 
L'étang
 
Conception, mise en scène, scénographie, dramaturgie de Gisèle Vienne
 
D’après l’œuvre originale Der Teich (L’Etang) de Robert Walser
 
Avec Adèle Haenel et Julie Shanahan
 
 
 Avec « L'étang », la metteuse en scène et conceptrice de marionnettes assoit une nouvelle fois un univers singulier, tressé d'obsessions autour de la représentation des corps. L'entrée en matière, qui montre une scène envahie par ses fameuses marionnettes, suffit à créer un climat étrange, telle un arrêt sur image de corps saisis dans un moment spécifique, dont l'acte mystérieux serait éternisé, comme ces lunettes gisant à côté d'une marionnette allongée à terre. Un manipulateur, un homme, vient les enlever, les saisissant avec précaution, révélant leur poids certain.
 
 À sa dernière apparition, son pas, plus lent, quasi somnambulique, préfigure une autre allure, celle des comédiennes qui vont entrer petit à petit sur la scène. Bascule souple dans un monde à part, où la lenteur extrême, liée aux mouvements mécaniques, déshumanisés, renvoie à des postures hypnotiques, comme si les personnages se mouvaient dans un infra-monde, portés non par leur volonté, mais par une mécanique inconsciente.
 
 
 Ce monde onirique, étouffé, est paradoxalement traversé par des élans expressifs, dont la musique, souvent tonitruante chez Gisèle Vienne, imprime un tracé angoissant. Ici, il s'agit moins d'éclats vifs que de nappe sonore constante, confortant une traversée particulière, recouvrant les paroles des personnages.
 
 
 « L'étang » contient plus de paroles que les dernières créations de Gisèle Vienne. En incarnant les deux personnages principaux et la plupart des autres, les comédiennes livrent une prestation surprenante. Julie Shanahan excelle dans le rôle de la mère, installant parfois, par la lenteur traînante de sa prononciation, un humour décalé, jusqu'à entrer dans une phase de cris révélant le désarroi d'une mère face à un fils recourant à un acte extrême pour regagner son amour.
 
 
 Adèle Haenel, cheveux courts, est sidérante dans le rôle du fils. C'est elle qui pousse le plus loin ce trouble du personnage propre à l'univers de Gisèle Vienne, où le sentiment de dépossession de soi est exacerbé par les multiples voix de personnages qu'elle joue. Corps littéralement envahie par d'autres, ventriloque possédée, elle n'est pas sans faire penser au monologue du personnage de « Last days », de Gus Van Sant, inspiré de la vie de Kurt Cobain. Éclats d'intériorité renforcées par le sentiment d'être traversée par des voix, des gloussements, des rires incontrôlés, la comédienne porte loin cette dépossession.
 
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