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27 mai 2010 4 27 /05 /mai /2010 10:38

 

 

 

 

 

 Subhra Guha

 

Chant classique de l'Inde du nord

 

 Dans le concert du 2 avril au Théâtre de la ville, dans la salle des Abbesses, elle était annoncée comme une spécialiste de thumree, genre romantique, plus léger que le khyal, le chant classique de l’Inde du Nord. Mais Subhra Guha, l’interprète en question, venait pour la première fois en France, dans une salle dont elle sait sans doute qu’elle est, à Paris, le haut lieu de la musique traditionnelle indienne. Avant sa prestation, elle n’a pas manqué d’haranguer le public, le flattant de son goût pour l’écoute d’un répertoire pas si évident, au point de demander que la salle soit plus éclairée qu’à l’ordinaire, afin qu’elle puisse voir les visages de l’assistance. Belle entrée en matière ; belle manière de commencer l’écoute d’un concert le sourire aux lèvres. Il y a déjà un pas de franchi, une distance abolie.

 

 Le khyal, genre musical ayant pris son essor dans la cour des rois moghols, se distingue, à mesure qu’elle progresse, par une virtuosité vocale débridée, des accélérations de rythme auxquelles le tabla, percussion emblématique du Nord, joint ses frappes réjouissantes, endiablées. Aussi Subhra Guha, sans doute consciente du public placé devant elle, n’a pas débuté son concert par un thumree, mais directement par le morceau de bravoure typique de cette musique, qui a duré ainsi une bonne heure. Le chant est véritablement le moteur de la musique classique indienne. Tous les morceaux instrumentaux en dérivent. Il en est à ce point le moteur, l’essence, que les mots proférés deviennent secondaires, au point que le long développement (alap) précédant les accélérations virtuoses, s’épanouit lentement, prolongeant les syllabes, les distendant comme pour en faire sortir la sève.

 

 C’est à une atmosphère véritablement méditative à laquelle on est conviés. Il y a nécessité de s’imprégner de cette lenteur, basée sur une improvisation vocale, avant de se laisser prendre par la vitesse débridée de la voix. On croit emprunter un bateau navigant sur une eau calme, invitant au repos, à la détente hypnotique, avant de se retrouver sur une mer agitée, en proie aux secousses incontrôlables. La voix est comme un flux qui nous enveloppe avant de nous jeter dans des zones inattendues.

 

 Si la question du regard importe à Subhra Guha au point de demander à ce que la salle reste allumée, le spectateur, en matière d'excitation visuelle, a droit à un supplément. En effet, ce type de chant s'inscrit dans une expressivité dramatique telle qu'il s'accompagne souvent de gestes précis. Comme chez tout bon chanteur indien qui se respecte, les mouvements des mains deviennent primordiaux, et, dans le but de souligner des moments particuliers du chant, dessinent des volutes particulièrement chatoyants. La frontière entre le chant et la danse devient alors étanche, tant ces gestes caractéristiques sont évocateurs de mouvements chorégraphiques.

 

 On peut avoir l'impression de tenir là l'origine même de la danse, le fondement de tout mouvement. Dans certaines formes théâtrales indiennes anciennes - toujours vivaces aujourd'hui - tels que le kathakali ou le kuttiyattam -, bien des séquences dansées s'exécutent assis sur un tabouret, les mouvements les plus caractéristiques étant assurés par les mains. Ainsi, la prestation de Subhra Guha, de s'ancrer dans un champ artistique combinant des éléments millénaires, se révèle particulièrement riche.

 

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