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15 octobre 2011 6 15 /10 /octobre /2011 09:47

 

 

                   Photo : Boris Brussey

 

 

enfant

 

Spectacle de Boris Charmatz

 

 

 La saison dernière, Boris Charmatz présentait au Théâtre de la Ville "Levée des conflits", marqué par une rythmique répétitive, avec un grand nombre de danseurs. Du monde, il y en a encore beaucoup sur le plateau pour "enfant", mais le spectacle est cette fois-ci radicalement différent. C'est le propre de ce chorégraphe qui, dans son exploration des formes contemporaines de la danse, ne se fond dans aucun moule esthétique.

   

 Dès l'amorce de "enfant", l'impression de ne pas se trouver devant un spectacle confortable pointe rapidement. Rapidement, c'est beaucoup dire, puisque l'on se trouve précisément face à une mise en oeuvre d'une lenteur extrême : une machine, sorte de grue, est juchée, imposante, à la droite de la scène. Peu à peu, des fils accrochés de part et d'autre se détachent dans des mouvements improbables. On a l'impression, devant la lenteur du processus, que quelque chose ne va pas marcher, qu'un fil va coincer. Puis, on découvre progressivement - la pénombre n'aidant pas à une révélation soudaine - que des corps sont reliés à ces fils. Ceux-ci sont tirés progressivement vers le centre de la scène, et finissent par être suspendus.

 

 L'étrange ballet de ces corps accrochés à ce qui évoque des crocs de boucher ne laisse pas d'interloquer. On peut penser, à ces visions peu confortables, au peintre yougoslave Vladimir Velikovic, dont la spécialité est le thème de la guerre, avec, en point d'orgue de ses peintures, beaucoup de corps suspendus, souvent mutilés ou crucifiés. Voir ensuite les danseurs couchés sur un tapis roulant, tressautant à cause des mouvements irréguliers, comme autant de cailloux à moudre, renvoie à une inanité d'une condition humaine.

 

Vladimir velikovic

V. Velikovic 

 

 La venue des enfants, petit à petit, lovés dans les bras des adultes comme des corps morts, poursuit l'étrangeté malaisante du spectacle. On ne s'attendait surtout pas à ce qui va suivre, malgré ces premiers moments sombres. Réduits au départ à l'état de pantins désarticulés, ces enfants font l'objet, si l'on peut dire, d'expérimentations : on leur secoue les bras, on les traîne par terre, on déplace leur corps inerte avec les pieds ; on essaie d'initier en eux des mouvements s'approchant de la danse. On voit même une danseuse se tenir debout sur les jambes d'une petite fille, un peu comme on malaxe une pâte.

 

 Au fond, dans ce spectacle exigeant, la ligne thématique se révèle d'une extrême clarté : les adultes manipulent les enfants comme des jouets ; ceux-ci intègrent les formes, postures des adultes pour s'en servir à leur tour, et les retourner contre eux, avec des séquences en miroir. Les enfants finissent par traîner les adultes ; une petite fille monte sur le corps allongé d'un danseur - mais pour lui, cela doit être beaucoup plus anodin. Le fameux morceau de Michael Jackson "Billie Jean", samplé au point d'être livré en morceaux, situe le rapport à l'enfance sous un angle ambigu.

 

 Cette thématique se révélerait anodine si le spectacle ne sidérait pas par ce qui se passe sur scène, l'intensité du travail accompli par ces enfants. Tout cela se résoud dans une agitation stridente, au son d'une cornemuse, dont l'interprète finira lui aussi suspendu.

 

 Quelques huées ont fusé à la fin de "enfant", heureusement recouverts par les applaudissement chaleureux. On ne peut que saluer ce travail novateur, dérangeant, qui oblige le spectateur à se défaire de ses repères visuels et moraux. Quant aux enfants, gageons qu'un certain nombre d'entre eux voudront poursuivre l'aventure chorégraphique.

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