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21 juin 2012 4 21 /06 /juin /2012 11:09

 

 

 

 

 

 

 Mademoiselle Julie

 

Pièce d'August Strinberg

 

Mise en scène de Frédéric Fisbach

 

Avec Juliette Binoche, Nicolas Bouchaud, Bénédicte Cerruti

 

 La nouvelle adaptation de la fameuse pièce de Strinberg est sans doute avant toute chose une réussite scénique. Face à la question qu'on peut être amené à se poser devant une énième prise en charge d'un monument théâtral (quel est le parti pris ?), c'est l'aspect visuel qui, dans la mise en scène de Frédéric Fisbach, retient l'attention. Avec la modernité obligée que suppose cette nouvelle approche, voir toute une série de figurants danser en fond de scène permet au spectateur de s'accrocher à une forme d'immédiateté. Quoi de plus fugitif, d'évanescent, qu'une soirée entre amis, à se déhancher sur des musiques pop ou électronique ?

 

 Le parti pris pourra laisser perplexe, mais n'entame pas pour autant une certaine étrangeté du dispositif, liée à une habileté scénographique : des corps qui se trémoussent en arrière plan, un espace qui ressemble à une cage dans laquelle les personnages semblent enfermés, au point que leurs voix créent une résonance particulière, dérangeante à vrai dire. On peut d'emblée être tenté de conférer à cette option une valeur symbolique : des personnages enfermés dans un espace, épris de liberté, qui cherchent une respiration ; comme un contrepoint de cet oiseau en cage que mademoiselle Julie veut emporter avec elle, et que son amant découpe impitoyablement. Prise en charge cruelle d'une liberté qui laisse Julie, bien que déterminée, en proie aux troubles les plus vivaces.

 

 Comment, dans cet espace impeccablement façonné, faire dès lors exister des personnages ? La pièce prend sens précisément par une dynamique spécifique, en ouvrant la scène, en se concentrant sur les trois protagonistes essentiels. Le corps a maintenant droit de cité, non plus comme planté dans un décor, mais devant en découdre avec les affects. Si Nicolas Bouchaud incarne un amant cynique, c'est avec une certaine distance dans son jeu. Les phrases neutres ou décalées donnent un temps une impression d'affectation, avant qu'il ne libère sa verve dès lors qu'une tension s'installe. Juliette Binoche, elle, joue pleinement son personnage passionné, débordé par sa volonté d'en découdre avec les conventions, tout en étant dépendant d'un lourd héritage familial. On aurait peut-être aimé que sa robe scintillante de chez Lanvin ne lui donne pas un éclat aux limites de l'artifice.

 

 Faut-il envisager à cet égard la boule lumineuse, à l'intensité aveuglante, qui envahit le plateau, comme l'envers de ce décorum ? Une lumière qui voudrait assainir l'esprit des protagonistes, nettoyer leur noirceur d'âme. Cette esthétisation teintée de spiritualisation d'une contestation sociale fait peut-être dériver la pièce vers une dimension qui n'y apparaît pas forcément. Mais elle a aussi le mérite d'ouvrir, en forme de clin d'oeil, sur d'autres oeuvres de Strinberg. 

  

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