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31 décembre 2010 5 31 /12 /décembre /2010 16:00

 

 

 

                                             

 

 

Rêve d’automne, de Jon Fosse

 

Mise en scène de Patrice Chéreau

 

Avec Valéria Bruni-Tedeschi, Pascal Greggory, Bulle Ogier 

 

 Le nom de Jon Fosse reste attaché, en France, à Claude Régy, qui l’a fait découvrir. Difficile désormais de détacher l'univers de l'auteur norvégien de l'esthétique radicale, minimaliste du metteur en scène français. Toute autre est la conduite de Patrice Chéreau, dont le texte de « Rêve d’automne » lui a été transmis par une connaissance. L'afflux de spectateurs vers ce spectacle est moins déterminé par une relation au texte que par une mythologie attachée au metteur en scène Chéreau. La curiosité est d'autant plus grande que celui-ci monte moins de pièces de théâtre. 

 

 Le début de « Rêve d’automne » surprend quelque peu, envisagé du point de vue global de l’esthétique de Patrice Chéreau. Il suffit d’arriver dans la grande salle du Théâtre de la Ville pour comprendre que l’espace présenté devant soi a de quoi susciter autant d’émerveillement que d’interrogation : on se trouve littéralement face à la reconstitution de salles de musée, en proportion normale. Les premières rangées de siège ont été supprimées afin d’étendre cet espace muséal. Présentée d’abord au Musée du Louvre, en novembre dernier, cette scénographie, conçue par Richard Peduzzi, vieux complice de Chéreau, est en fait une transposition du salon Denon.

 

 Si l’effet visuel est beau, il détonne avec la venue des comédiens, leur approche de la scène fondamentalement en demi-teinte. Des corps qui occupent l’espace avec incertitude, qui peinent quasiment à l’occuper, à l’embrasser. Un espace à priori trop grand pour eux, qui peut rendre difficile au départ la compréhension d'un texte intimiste quand on se trouve aux derniers rangs de cette grande salle (1000 places). Grand espace révélant d’autant plus le vide des êtres, une occupation incertaine (Pascal Greggory se couchant lors de ses premières entrées, la grand-mère vêtue d'une chemise de nuit blanche circulant comme une ombre).

 

 Mais on finit par comprendre que cette fragilité de l’occupation de l’espace, liée à une délicatesse de la rencontre, sert au fond les personnages et les acteurs. Contre le décor, ils s’extirpent de leur maladresse pour révéler leur humanité, leur incertitude, leur piétinement. Fragilité physique accordée à une autre, vocale, cette fois-ci : la voix de Pascal Greggory, que l'on sent fatiguée, cassée, comme issue d'un surmenage ou d'un léger problème de santé ; celle de Valéria Bruni-Tedeschi, si caractéristique dans sa raucité brisée, proche du feulement animal. 

 

 C'est avec l'entrée de Bulle Ogier que le spectacle prend une allure différente. De l'incertitude de la rencontre des corps, des figures traversant les pièces comme des ombres, on passe à une présence plus affirmée. En mère de Pascal Greggory accompagnée par son mari (Bernard Verley), elle vient assister à l'enterrement de la grand-mère paternelle. C'est par elle qu'une énergie désespérée se diffuse sur le plateau, malgré une accentuation de signes physiques reflétant la vieillesse (les jambes pliées). Il y a plus d'incarnation chez ces personnages-là car les autres, à mesure que la pièce avance, apparaissent de plus en plus comme des ombres, plongés dans l'improbabilité de leur rapport au temps.

 

 En effet, de manière subtile, la pièce de Jon Fosse nous plonge dans les méandres du temps, où se perd peu à peu une chronologie qui semblait au départ évidente. La langue du dramaturge, très axée sur la répétition, avait tendance à être diluée dans la dilatation propre à l'approche d'un Claude Régy. Avec Chéreau, la répétition lie la parole à l'instant, à des moments de construction fébriles, comme improvisés. La durée, avec son potentiel tragique, funeste, vient se glisser sur scène comme par inadvertance, contribuant à imprimer avec persistance ses surprenants effets mortifères.

 

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