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15 décembre 2012 6 15 /12 /décembre /2012 13:39

 

 

 

 

Los motivos de Berta

 

Film de José Luis Guerin (1983)

 

Avec Silvia Gracia, Arielle Dombasle, Iñaki Aierra, Rafael Díaz

 

 

 Lors de la trop courte présentation à la première de "Los motivos de Berta", José Luis Guerin a situé la réalisation de son premier film dans un champ cinématographique espagnol particulier. Il fallait comprendre désert, mises à part quelques figures émergentes comme Almodovar. C'est peut-être ce qui explique qu'un jeune homme de 23 ans (il est né en 1960) ait éprouvé l'envie de mettre en chantier son premier long-métrage.

 

 Pourtant, si "Los motivos de Berta" nait dans un contexte cinématographique particulier, ce n'est pas ex nihilo, porté par le simple désir de remplir un espace vacant. La charge cinéphilique y est patente, au point qu'on peut affirmer qu'il est le réel moteur créatif de Guerin. Si, dans les paroles de Guerin, l'imprégnation du cinéma espagnol semble étouffée, il y a pourtant un film dont on devine qu'il a dû le marquer : c'est "L'esprit de la ruche", de Victor Erice, qui conte l'histoire d'Ana, sa dérive imaginaire, aux confins du fantastique, après avoir vu le film "Frankenstein".

 

 Solidement ancré sur un fond réaliste (vie à la campagne, longs plans sur des paysages), le film de Guerin s'autorise des percées vers un espace d'irréalité, d'idéalisation qui sont la marque des esprits adolescents isolés en quête de rêve. Dans "Los motivos de Berta", c'est un homme vu de loin, dans un étrange costume, qui déclenche cette bascule.

 

 Pour autant, et malgré cette référence à Erice, Guerin ne se complait aucunement dans une volonté de créer un climat étrange. Il ne vise pas, comme son illustre prédécesseur, à conférer une dimension métaphorique à son film, sur fond de climat lié à la guerre civile. C'est même plutôt l'inverse : sans réelle explication, des choses se remettent peu à peu en place. Le costume extravagant trouve sa justification dès lors que la troupe de comédiens apparaît (c'est juste un costume de scène). Le film retombe sur ses pattes réalistes, et on y sent une présence de plus en plus affirmée de la terre, de la réalité des corps (un corps qu'on enterre, des traces de sang palpées par Arielle Dombasle), de la matérialité du paysage, d'où finalement ne perce aucun mystère (précisément, le corps ne peut être réellement enseveli).

 

 Dédramatisé à l'extrême, "Los motivos de Berta", transforme un moment de tension (la dispute avec le petit garçon qui se transforme en destruction de cabane) en un simple trait (le petit garçon, qui avait disparu, revient le plus simplement du monde, jouant en arrière-plan, et propose à Berta de reconstruire la cabane). Il n'y en aura pas plus lors du suicide, que lors de la découverte du cadavre. Tout se fond dans ce mouvement lent, atone, comme si chaque évènement allait se dissoudre dans le rythme indolent de la nature.

 

 On ne doute pas que Guerin ait été un cinéphile attentif au cinéma français le plus exigeant (et Arielle Dombasle, qu'il a vue dans "Perceval le gallois" le signifie, même de manière anecdotique). Son film, bressonien, outre de présenter une jeune fille de la campagne, se fend d'une référence explicite à la fin de "Au hasard Balthazar", lorsque Berta roule dans l'herbe. Là encore, dans cette citation, point de drame ou de tension, juste un moment de pur plaisir, qui dit combien "Los motivos de Berta", au lieu d'être empesé de lourdeur cinéphilique, va sereinement vers l'allègement.

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