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7 septembre 2013 6 07 /09 /septembre /2013 22:38

 

 

 

 

Les salauds

 

Film de Claire Denis

 

Avec Vincent Lindon, Chiara Mastroianni, Michel Subor, Julie Bataille, Lola Creton

 

 

 Etonnante, la façon dont on a pu tomber ça et là sur le film de Claire Denis, le qualifiant de "glauque" ou "d'antipathique" (ce dernier adjectif utilisé par un ex-critique des Cahiers du Cinéma, échoué dans les pages du Monde, sans qu'aucun argument ne soit réellement avancé pour justifier son usage). Etonnant, car le film, en soi, ne montre pas grand chose : là une scène ou deux, disons choquantes, de Lola Creton nue dans la nuit, avec un gros plan sur sa jambe d'où s'écoule du sang. Du fait même qu'on est dans l'après de ce qu'on imagine être une scène de viol, cette dernière séquence, aussi dérangeante soit-elle, est encore dans la suggestion plus que dans la représentation. Le film, qu'on accable en raison de telles séquences, ne montre en réalité pas grand chose. C'est même sa puissance d'évocation qui met mal à l'aise là où, dans le cinéma en général, les scènes de viol, inscrites dans une banalisation filmique, sont représentées de manière beaucoup plus réaliste, explicite.

 

 L'hypothèse ici est que, ce qui perturbe ou agace dans le film de Claire Denis - et qui lui confère un certain trouble esthétique -, c'est de ne pas raccorder ce qu'on voit de déstabilisant à un sens précis, à une histoire. C'est littéralement de ne pas faire en sorte que ses personnages soient suffisamment incarnés, rattachés à une clarté existentielle, à des propriétés psychologiques bien définies, qui permettraient tout simplement une identification du spectateur. Le rejet du film ne relève en quelque sorte qu'à une difficulté d'adhésion à des personnages singuliers, dont on aurait compris les motivations.

 

 Claire Denis, dès le départ, se cantonne dans cet opacité du sens. Paradoxalement, ce film qui a tant de mal à séduire - à cause de sa noirceur, de son refus de délivrer des pistes - , est l'un des plus dialogués de la cinéaste. S'il n'y a pas une narration globale, nette, dont on percevrait les linéaments, on sent tout de même que des poussières de signification y sont disséminées ça et là (par exemple le diagnostic d'Alex Descas sur le "vagin à reconstituer" de Lola Creton). Mais tout ce qui est signifié en première instance, Claire Denis se complait à chaque fois à le recouvrir d'un voile d'hermétisme. C'est comme si, dans une musique symphonique, une phrase mélodique ne parvenait jamais à sa conclusion, en étant aussitôt recouverte par une autre qui n'aura pas plus de possibilité d'existence. "Les Salauds" mènent jusqu'au bout cette liquidation du sens, en ne permettant pas à ses personnages, dans un triste final, de voir quelque porte s'ouvrir.

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