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20 février 2023 1 20 /02 /février /2023 17:26

 Pour son deuxième long-métrage, Léonor Serraille tisse une fresque familiale autour d'une femme émancipée et ses deux fils. Touchant, même si l'ambition romanesque parait trop large.

 

 

 

Un petit frère

 

Film de Leonor Serraille

 

Avec Annabelle Lengronne, Stéphane Bak, Kenzo Sambin, Ahmed Sylla, Laetitia Dosch, Etienne Minoungou

 

 En racontant une histoire ancrée sur une longue période partant de la fin des années 80, Leonor Serraille affirme, pour son deuxième long-métrage, une ambition narrative. Véritable fresque, « Un petit frère » installe une intention sociologique en rythmant la trajectoire de ses personnages de moments spécifiques (une télé où une présentatrice parle des lois Pasqua). Si cet aperçu historique, finalement assez ténu, scande le scénario, l'amplitude romanesque est véritablement rendue par la façon qu'à la cinéaste de relater l'évolution de la famille constituée d'une mère et ses deux garçons.

 

 Si la grande histoire n'est qu'une toile de fond, elle ne peut manquer de faire penser à un autre film français, « La bataille de Solférino », de Justine Triet (qui marquait déjà la présence de Laetita Dosch, actrice principale de « Jeune femme », héritant d'un petit rôle lumineux dans « Un petit frère ») où l'approche de l'intimité se cristallisait avec un moment historique palpable, le deuxième tour des élections présidentielles de 2012.

 

 En somme, Leonor Serraille, loin de prendre l'Histoire comme moment charnière, s'en sert comme motif de propulsion de ses personnages dans une fiction au romanesque revendiqué. Si cette forme a longtemps été éprouvée dans le cinéma américain, elle reste rare en France, où le vieillissement des protagonistes s'accommode peu d'une approche réaliste intimiste. Et, sans doute par crainte de donner une lisibilité romanesque trop évidente, Leonor Serraille tord un peu le cou à la linéarité que suppose ce genre de fiction, en fractionnant son film en chapitres, au centre desquels figurent la trajectoire des deux fils de Rose, Jean et son cadet Ernest.

 

  Cette option surprend quelque peu, malgré l'intérêt que représente la torsion d'un récit linéaire. Car, avec l'amorce du film, c'est bien Rose qui représente le centre du film, son moteur narratif. Une femme forte, dont la volonté d'indépendance est attelée à une vie qu'on imagine soumise, réduite à l'acception des conventions de la culture africaine (un mari mort, qui était « trop vieux », expédie-t-elle, deux enfants restés en Afrique). À la fois désireuse d'être maîtresse de son destin, tout en voulant tracer pour ses fils un parcours de réussite, l'amenant à mettre en avant le travail et la persévérance. Mais dès lors que Serraille suit les trajectoires des fils, enfants à adolescents, puis jeunes adultes, Rose reste en retrait, comme si c'est d'elle que les fils cherchaient à s'émanciper.

 

 Si « Un petit frère » reste un film attachant tout le long, c'est en évitant de sombrer dans un pathos qu'implique parfois les fresques au long court. Serraille multiplie les approches, déplace les cadres (la virée d'Ernest en bord de mer), courant le risque de vouloir ratisser trop large, au point de confondre excès et dénonciation post-coloniale (le patron et propriétaire de château dont l'invitation faite à ses employés se termine en partouze). Les différents comédiens incarnant les fils, par un jeu inégal, déséquilibrent l'ensemble du film. On se prend à trouver assez cruelle la scène des retrouvailles entre Rose et Ernest, devenu prof de philo, comme si était confirmée l'émancipation du fils au détriment de la mère.

 

Cette très curieuse option (faire de Rose une figure émancipatrice pour, au bout du compte la reléguer, physiquement et moralement, dans les bords de la fiction) accentue cette dispersion des personnages. Là où l'on attendait une assomption d'une figure féminine, on se trouve plutôt face à un film qui, dans sa volonté de mener ses protagonistes au bout d'une série de circonvolutions narratives, sacrifie son élément principal sur l'autel d'une résolution dramatique.

 

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