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25 septembre 2017 1 25 /09 /septembre /2017 18:02

 

 

Barbara

 

Film de Mathieu Amalric

 

Avec Jeanne Balibar, Mathieu Amalric, Vincent Peirani, Aurore Clément, Grégoire Clin, Pierre Michon

 

 

 Alors que la France semble gagnée petit à petit par l'univers des biopic (récemment "Rodin" ou "Gauguin", ces figures artistiques envisagées comme une façon de se démarquer des approches spectaculaires américaines), Mathieu Amalric livre avec"Barbara" un film dont l'approche est pour le moins différente. Si les deux films précités tournent autour de deux figures masculines imposantes, avec ce que leur approche suppose de cortège démiurgique, le film d'Amalric, au lieu de faire de Barbara un personnage célèbre constitué, érigée sur un  piédestal artistique, en propose une approche fragmentée, incertaine, fuyante.

 

 A vrai dire, on a constamment l'impression, avec "Barbara", d'être placée devant un "work in progress". Il n'y a à proprement parler pas de fusion entre le corps de la célèbre chanteuse et celui de Jeanne Balibar. "Barbara" est un film ou la tentative de suture entre les deux femmes passe par des modalités cinématographiques singulières. Le film, en cela, pourrait s'appeler "Répétition", puisqu'il s'agit plutôt d’aller vers un personnage, d'endosser ces tics, sa voix, ses mouvements, dotés d'une spécificité relavant d'une théâtralité débridée, opératique.

 

 Si la démarche d'Amalric est intéressante, c'est en prenant à bras le corps ce trouble de l'incarnation, cette façon qu'a Balibar d'approcher son personnage en nous donnant tantôt l'impression de l'effleurer, tantôt d'y être si proche qu'elle-même semble se regarder en se demandant où elle en est exactement. Balibar, dans sa prestation remarquable, toute en hésitation féline et en abondon langoureux, ne permet jamais au film de trouver une assise, une certitude dans son affirmation créatrice. La brèche de l'identification reste ouverte, troublant le regard du spectateur au point que, même si on identifie les images d'archives, la confusion règne parfois quant à notre capacité à détacher la fiction de la réalité. A notre insu, les corps se mélangent, moins par la ressemblance de Balibar (réelle) que par cette friction incessante du montage, cette manière de coller les séquences les unes aux autres, les images les unes à la suite des autres.

 

 Dans la position d'Amalric à l'égard de Jeanne Balibar-Barbara, on retrouve, à un degré moindre, la posture d'un Scottie dans "Vertigo" d'Hitchcock, où il s'agit de redonner vie à une personne disparue. Amalric rend le trouble d'autant plus fort qu'il s'agit de remettre en lice son ex-femme. Pour autant, sa manière d'écarquiller les yeux, marquant la surprise éberluée de l'incarnation de l'actrice, laisse un gout d'inachevé : qu'il aille prendre place parmi les spectateurs pour mieux apprécier la prestation de son actrice ne débouche que sur une admiration fétichiste, impliquant, quoi qu'il le veuille, une sorte de distance.

 

 Amalric est figé dans sa posture et, au fond, ne prend pas beaucoup part au frétillement de l'actrice. En cela, son rôle est en deçà du volontarisme dont il faisait preuve dans "Tournée" en guidant les danseuses du New Burlesque à travers la France. Pour cette raison, "Barbara" n'est pas un film orienté vers l'extérieur (les postures de Balibar reposent sur des apparitions verticales). Sa trajectoire, tournoyante et éclatée, n'ouvre pas sur une dynamique évolutive du récit. Reste cependant ce frémissement de l'incarnation, empêchant le film et les personnages de se figer.

   

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