Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
18 décembre 2021 6 18 /12 /décembre /2021 22:06

 Variation autour de "Ginger et Fred", de Federico Fellini "Avremo ancora l'occasione di ballare insieme" met en scène trois couples s'emparant de la scène pour une traversée onirique.

 

 

 
Avremo ancora l'occasione di ballare insieme
 
(Nous aurons encore l’occasion de danser ensemble)
 
D'après Ginger & Fred de Federico Fellini
 
Un projet de Daria Deflorian et Antonio Tagliarini
 
Co-création de et avec Francesco Alberici, Martina Badiluzzi, Daria Deflorian, Monica Demuru, Antonio Tagliarini, Emanuele Valenti
 
 
 
 Spectacle paradoxal que ce nouvel opus du duo italien. Conçu comme une broderie onirique autour de "Ginger et Fred", il déborde d'abord largement son cadre référentiel initial pour embarquer le public vers une dérive où l'on croise tout autant Pina Bausch (une très belle scène où le comédien qui, assis, parle de son hésitation à regarder le spectacle devant lui ou la chorégraphe assise derrière lui qui dirige ses danseurs) que la mise en abyme d'un film comme "Huit et demi". La pièce utilise des strates temporelles diversifiées en présentant trois couples à des ages différents - qui ne forment, selon les artistes, qu'un seul et même couple. Et si la répartition des personnages dans la pièce est censée inaugurer des dialogues en toute transparence, c'est une autre forme de communication qui est instaurée entre eux et elles que celle qui passe par les mots.
 

 On croit d'ailleurs retrouver, avec Daria Deflorian inaugurant le jeu, les extraordinaires monologues d'une pièce magnifique comme "L'origine del mondo", de Lucia Calamaro, où la parole, fluviale, sans concession, atteignait des abimes d'introspection. Mais ici, le surgissement des mots, pris dans un écrin performant où chacun.e se retire pour céder la place à l'autre, est marqué par des point d'arrêt.

 

  La parole fonctionne au fond plus comme une adresse, lorsqu'une personne parle à une autre. Il s'agit alors d'écouter le récit, souvent long, semé d'anecdotes savoureuses, du locuteur. Cela produit parfois des décalages marquant dans la répartition des corps dans l'espace : là où celui ou celle qui parle, dans la toute puissance de sa parole, peut accentuer sa parole en la redoublant d'épanchement chorégraphique, celui ou celle qui écoute est le plus souvent immobile, ou occupé.e à se changer, dans des loges aménagées des deux côtés de la scène. Il y a dans cette posture de débordement du récit, entre verbosité et excitation corporelle , quelque chose qui relève foncièrement d'une libération pulsionnelle presque infantile. L'autre, au fond, à qui on s'adresse, n'a plus l'air présent. Et pour qu'un.e autre puisse entrer en scène pour se raconter, il convient de se manifester physiquement, occuper l'espace pour prendre sa place, convoquer, de manière fantasmatique, la figure de modèle du spectacle (le chant avec Maryline Monroe).
 
 
 "Avremo ancora l'occasione di ballare insieme" témoigne de cette exultation inaltérable à vouloir s'emparer de figures mythique de la scène, du cinéma ou du spectacle, pour mieux s'approprier de manière extatique leur ethos, les faire revivre en s'en faisant les sincères courroies de transmission. Mélange de statisme et de mouvements, la pièce des deux compères donne constamment l'impression d'arracher à l'oubli, à l'enfouissement, des traces de mémoire, en se manifestant par ces sursauts chorégraphiques. Le final, splendide, voit l'un des comédiens répéter, en une ritournelle jubilatoire, des séquences en incarnant plusieurs personnages, jusqu'à des courbettes drôles. Une ivresse de la reprise, tel un sceau posé définitivement sur un espace de rêve.
 
Partager cet article
Repost0

commentaires

Blog De Jumarie Georges

  • : Attractions Visuelles
  • : Cinéma, théâtre, danse contemporaine, musique du monde, voyages
  • Contact

Recherche