Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
21 novembre 2015 6 21 /11 /novembre /2015 21:25

 

 

 

Super Premium Soft Double Vanilla Rich

 

Texte et mise en scène : Toshiki Okada

 

Avec Tomomitsu Adachi, Shuhei Fuchino, Azusa Kamimura, Mariko Kawasaki, Shingo Ota, Hideaki Washio, Makoto Yazawa

 

 

Avec "Super Premium Soft Double Vanilla Rich", présenté au Festival d'Automne, l'auteur et metteur en scène Toshiki Okada concentre son intrigue dans un konbini, une de ces supérettes japonaises symbole de la société de consommation, ouvert 24/24. C'est par le petit bout de la lorgnette de ces petits magasins que le propos d'Okada vise à s'étendre, au point de donner à sa pièce une dimension vertigineuse.

 

Avec comme seul décor, une toile peinte représentant les différents rayons d'un de ces magasins, la pièce cherche à concentrer le propos d'Okada grâce aux nombreux dialogues des comédiens, tantôt sur un mode mécanique, tantôt avec ce sentiment que le langage policé ouvre sur des abîmes critiques. Car l’intérêt de la pièce, en mettant en présence les employés du konbini, ainsi que leurs supérieurs, tient à une critique radicale de la société japonaise.

 

La pièce a beau être constamment travaillée par la question du langage, c'est dans les interstices de la parole que se crée une faille. En prenant appui sur la politesse ritualisée, si spécifique au Japon, Okada parvient à installer un sentiment de malaise. La force du metteur en scène est de distiller ces petits moments anodins, tout en les dotant d'un caractère acerbe, comme lorsqu'un employé, au début, critique la capacité de son chef à calculer les réassorts, afin d'éviter le gaspillage des aliments, avant de le rabaisser encore plus en évoquant son inactivité sexuelle (no sex).

 

Pour Okada, le konbini, c'est à la fois un espace local, mais aussi une fenêtre sur le monde, où les liens entre les êtres se définissent en termes de hiérarchie et de soumission. Quand le chef arrive avec son micro pour parler à ses employés, cela vise bien à représenter, sur un mode emphatique, une relation inégalitaire où les employés tiendraient littéralement le rôle de fidèles s'inclinant devant la parole d'un gourou (d'ailleurs, à un moment, on les voit à quatre pattes). La pièce prend un tour véritablement loufoque, lorsque les employés, sommés d'améliorer leur relation avec la clientèle, s'essaient à un rendu de monnaie inspiré d'un jeune coréen. L'idée, abandonnée par la suite, rend bien compte, de manière subtile, de la relation des japonais avec les citoyens d'origine coréenne.

 

Derrière ces aspects sociologiques (on assiste à une description minutieuse des emplacements des rayons), "Super Premium Soft Double Vanilla Rich", flirte constamment avec une sorte d'absurdité, rythmée par une mouvement chorégraphique qui fait l'extrême singularité du théâtre d'Okada. La pièce étonne constamment, car toujours en mouvement. Les comédiens ne peuvent parler sans que leur corps soit pris dans une gestualité débridée. Chacun a sa manière propre de se mouvoir, entre un comédien aux cheveux longs qui bouge en écartant les jambes, dans une démarche de crabe, ou un autre, aux mimiques du visage caricaturales, à la voix haut perchée. La plus étonnante reste la plus petite, souvent dans une posture hébétée, bouche ouverte, comme pétrifiée, mais qui, lorsqu'elle s'engage dans son expression corporelle, se révèle d'une souplesse et d'une inventivité réjouissantes.

 

 "Super Premium Soft Premium Double Vanilla Rich" n'est pas en soi une pièce chorégraphique. L'expression dansée n'est pas un but en soi, elle ne vise qu'à souligner, avec une constance étonnante, un propos décalé. Véritable prouesse de la part des comédiens, cet exercice difficile, loin de donner une allure systématique à la pièce, affirme son étrangeté et par là, son pouvoir de fascination.

Partager cet article
Repost0

commentaires

Blog De Jumarie Georges

  • : Attractions Visuelles
  • : Cinéma, théâtre, danse contemporaine, musique du monde, voyages
  • Contact

Recherche