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9 mars 2016 3 09 /03 /mars /2016 22:00

 

 

 

 

Ce sentiment de l'été

 

Film de Mikhaël Hers

 

Avec Anders Danielsen Lie, Judith Chemla, Marie Rivière, Féodor Atkine

 

 

 

 Pour son deuxième film, après "Memory lane", Mikhaël Hers marque, de manière évidente, son tracé cinéphilique d'un hommage appuyé, fruit sans doute d'une admiration précise pour "Oslo, 31 août" de Joachim Trier, sorti en 2011. Car comment interpréter autrement la présence d'Anders Danielsen Lie, l'acteur principal du film norvégien ?

 

 Il suffit de voir évoluer Anders Danielsen Lie dans "Ce sentiment de l'été" pour sentir à quel point son jeu paraît identique à celui qu'il tenait dans "Oslo, 31 août" : on y décèle le même sentiment d'égarement (dans "Oslo", il sortait d'une cure de désintoxication), cette façon si caractéristique de bouger, marquée par une incertitude dans ses déplacements. Hésitations, manque d'assurance, reliés à une fragilité existentielle. Son regard, frappant, est emblématique de cette perte de repères qui le caractérise, avec cette manière particulière d'entrer dans un espace, une pièce, le menton relevé, comme si derrière chaque objet qui s'offre à sa vue, il y aurait un secret danger. Chaque avancée incertaine recèle un potentiel de perte de lien avec la réalité.

 

 Évidemment, en exploitant cette forme de jeu identifié chez ce jeune comédien, Mikhaël Hers lui fait courir le risque de le figer dans la caricature. Ici, l'expression douloureuse d'Anders Danielsen Lie trouve une justification liée au point de départ du film : la disparition subite de Sasha, amie de Lawrence (que joue Anders Danielsen Lie) et le deuil qui s'ensuit, resserrant les relations de celui-ci avec Zoé (Judith Chemla), la sœur de Sasha.

 

 "Ce sentiment de l'été", même s'il rend sensible cette relation, à travers un jeu de regards, de non-dit, prend un peu trop de temps avant de s'écarter de cette veine doloriste. L'errance des personnages se confond alors avec un certain égarement scénaristique. Pourtant, en faisant évoluer ses personnages sur trois axes géographiques distincts (Berlin, Paris, New-York), Mikhaël Hers témoigne de son désir de mouvement, en ne figeant pas son film dans une coulée intimiste immuable. Ces déplacements se font avec un certain paradoxe, puisque ces différents lieux censés ouvrir l'espace sont pourtant appréhendés visuellement sur un mode homogène : on a droit à chaque fois à une scène où les personnages se retrouvent sur des pelouses, comme si ces espaces verts constituaient non pas un signe d'identité géographique, mais le reflet du sentiment intérieur des personnages. La géographie envisagée comme espace mental plutôt qu'expression d'extériorité physique.

 

Il est par conséquent évident qu'on se retrouve aussi à Central Park, poumon vert, s'il en est, des grandes villes occidentales. Et c'est aussi dans cette partie que le film trouve sa meilleure respiration, bien plus au fond qu'avec l'intermède à Annecy, où l'on risque, à cause de la beauté des lieux, la représentation carte postale. A New York, la décontraction liée à la nouveauté des visages (des seconds rôles qui arrivent à insuffler une vraie énergie, contrariant l’alanguissement général), une dynamique des corps et des regards (bel échange lors d'une soirée entre Zoé et Lawrence, alors que celui-ci commence à établir un nouveau lien). C'est là, en abandonnant cette pesanteur, en ouvrant le champ des relations, que Mikhaël Hers se révèle le plus à l'aise. Son film, attachant en somme, ouvre alors des perspectives qui sont peut-être autant de promesses pour une œuvre à construire.

 

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