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17 avril 2016 7 17 /04 /avril /2016 11:14

 

 

 

Ensemble Rastak

 

 Avec Siamak Sepehri direction artistique, tar – Farzad Moradi oud, setar, tanbur, chant – Akbar Esmaeilipour oud, tar – Negar Ezazi daf, dâyereh – Yasser Navanzandeh bâlâbân, doneli, ney, sorna – Mohammad Mazhari kemençe – Saba Jamali qanun – Yavar Ahmadi daf, dohol, domdom – Sara Naderi damam, dosarkatan, tombak – Maedeh Doosti gheychak, kemençe

 

 Le 9 avril, au Théâtre de la Ville, les familiers des musiques traditionnelles ont eu droit à un concert particulier, dont le tissu musical était totalement imprégné de folklore. Inhabituel pour ce lieu rompu, à chaque saison, à la présentation du meilleur des musiques savantes d'autres pays. Qui plus est, la sphère iranienne, largement représentée, a vu défiler ici à plusieurs reprises certaines des figures éminentes du chant : Mohamed Reza Shajarian (récemment son fils Homayoun), Sharam Nazeri, Parissa, jusqu'à une génération plus jeune incarnée par Salal Aghili.

 

 Mais à côté de ces artistes représentatifs d'un chant profond, intimiste, l'ensemble Rastak propose certes une approche plus légère en apparence, mais a le mérite de révéler la multiplicité des styles qui parcourent l'Iran. Cette démarche de collectage, au-delà de son caractère enjoué, de sa dynamique essentiellement rythmique, révèle un pan peu connu de l'Iran : sa diversité ethnique.

 

 L'entrée sur scène des musiciens avait en soi de quoi étonner et réjouir : figuraient parmi eux quatre femmes, détail qui a son importance quand on sait qu'en Iran, les femmes sont interdites sur scène, à moins d'être encadrées par des hommes – un film comme " No land's song " est venu nous rappeler récemment le caractère vivace de cette restriction. Qui plus est, ici, leurs vêtements bariolés semblaient déjà nous plonger dans une zone spécifique de l'Iran, le Khorassan, ravivant le souvenir de Sima Bina, originaire de cette région.

 Dans ce concert, ce n'est pas tant la voix qui suscite l'intérêt : celle du leader du groupe, étonnamment aiguë, détonnait complètement par rapport à la tradition persane, axée sur une profondeur poétique et méditative. Il est par ailleurs difficile de nommer les noms des musiciens tant leur pratique musicale repose sur une dépense à géométrie variable. Il suffit de prendre le chanteur, qui pratique le tar ou le setar, les luths emblématiques de la musique savante : il finit par se déplacer sur scène pour aller remplacer, lors d'un morceau, un compère à la percussion. Plus tard, muni d'un tanbur, luth typique d'Asie Centrale, il entame un des morceaux les plus étonnants, au chant, avec un jeu vocal rappelant les bardes, à coups de gloussements et d'alternances entre voix de tête et voix de poitrine ; tandis que les doigts, dans un mouvement typique d'enroulement autour des cordes, impulsent une belle dynamique dansée.

 On n'en finirait pas de dénombrer la multitude d'instruments présents dans le concert, tous révélateurs des pratiques multiples liées à cette diversité ethnique : du oud au qanoun, instruments arabes – le deuxième révélé en France par feu Julien Jallaledin Weiss, de l'ensemble Al Kindi – en passant par le daf, instrument issu des confréries soufies devenu essentiel dans la musique savante, on a assisté à un véritable vertige musical. L'un des moments les plus étonnants reste la partie présentée par Yasser Navanzandeh concernant le sud de l'Iran, à Boushehr. La musique de cette région, méconnue mais très stimulante, est marquée par un mélange entre style arabe, persan, kurde et africain. Muni de son neyanbânn (cornemuse propre à ce style), avec lequel il danse, s'avançant sur une estrade, il enflamme le public, déjà largement conquis du fait de la présence de nombreux iraniens.

 C'est ce même musicien qui a offert plus tôt, dans ce concert au rythme effréné, le seul moment lent, en distillant quelques notes avec un petit hautbois aux sonorités très proches du duduk, l'instrument arménien. Petite pause pour mieux se relancer et embarquer ainsi les spectateurs dans un voyage éclectique, avec le sentiment que les frontières volaient en éclat.

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