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23 novembre 2009 1 23 /11 /novembre /2009 08:33

 

 

  Fish tank

   

Film  de Andréa Arnold 

 

Avec Kate Jarvis, Michael Fassbender, Kierston Wareing   

 
 Une scène, au début de « Fish tank » rend compte du dispositif sous lequel est placé le film de Andréa Arnold : Mia la révoltée, assise, voit des jeunes filles exécuter des figures de danse hip hop avec une certaine jubilation. Elle-même amateur de ce style,  ne semble pas pour autant s’enthousiasmer de leur prestation. Une fois qu’elle les a approchées pour fustiger leur prestation, la scène se termine par un coup de tête adressé à l’une des danseuses. La révolte de Mia, tout autant que la frustration dont elle est emplie, s’articule autour de la façon dont elle s’accommode des éléments s’inscrivant dans son regard et la manière dont elle les domestique ou les rejette.

 

 D’emblée, Andréa Arnold filme sa jeune actrice amateur avec une ferme volonté de ne pas la lâcher. La caméra fait littéralement corps avec elle et le spectateur, embarqué dans cette solidarité sans faille cinéaste-actrice, est tenu de s'accrocher. Le corps de Mia devient quasiment un corps-caméra où, bien souvent, elle figure dans un coin du plan, la plupart du temps sur la gauche, alors que le reste du plan (les deux tiers) dévoile l’espace de son regard.

 

 À travers les courses effrénées de Mia, symptômes d’une fuite en avant comme d’une incapacité à trouver sa place, la caméra essaie de s'agripper aux mouvements frénétiques de cette jeune femme envisagée comme une véritable peste. Propulsée par ses débordements, elle cherche littéralement à plier la réalité à sa volonté, comme dans cette scène emblématique où elle veut délivrer un vieux cheval de ses chaînes. Cet empressement du corps du personnage - et la difficulté pour la caméra d’y coller -, est parfois signifié par l’image rendue floue, comme si on cherchait à faire le point. Afféterie, peut-être, mais qui vise à surligner la délicate saisie à vif de l'espace immédiat.

 

 Tout l’intérêt du film, à travers l’apprentissage de Mia, son immersion dans le réel, va procéder d’un renversement de cette position dominatrice signifiée par la primauté de son regard. Il s’agira désormais de jeter son corps dans la bataille du réel, non plus sur le mode agressif, comme avec le coup de tête initial, mais en l’affrontant à d’autres corps (le harcèlement par les jeunes garçons lors d’une autre tentative pour délivrer le vieux cheval) où d’autres éléments (l’accès à la rivière après avoir remonté son pantalon et l'écorchure qui s'ensuit). A cet égard, la réflexion que fait sa mère sur le prix de son jogging au moment où elle s’apprête à entrer dans l’eau marque l’une des premières ruptures entre elles. En effet, la mère, adepte de la danse, a manifestement influencé sa fille, mais, dans ses mouvements, reste cantonnée dans la maison où elle reçoit ses nombreux amants.

 

 Mia est appelée à ouvrir son univers et c’est précisément par la rencontre avec l’amant de sa mère que cela se produit. La manière dont le corps de Michael Fassbender fait irruption dans son champ visuel (corps musclé, torse nu, pantalon baissé) en dit long sur le dérèglement qui s’opère dans son espace de certitude butée. C’est dans l’endroit même où elle subit un rejet de la part de sa mère – plane sur elle le spectre d’un départ en lycée spécialisé – que se produit son épanouissement amoureux, sa découverte de la sexualité. Le renversement définitif de la position du regard de Mia se produit lorsqu'elle en vient à se filmer grâce à la caméra prêtée par Connor, l'amant de sa mère. Position spéculaire qui la porte vers une certaine reconnaissance, tout au moins de la part de Connor.

 

 Il est peu de dire que la crédibilité du personnage de Mia doit beaucoup à la jeune actrice non professionnelle Kate Jarvis. Par son âge (16 ans) et son inexpérience inaugurale, elle colle au chemin initiatique de Mia. Dommage que le film, à certains moments, s'encombre de positions arrogantes nuisant à son authenticité, comme avec la jeune sœur de Mia, à qui la réalisatrice prête des propos d'un cynisme achevé. Les mots plus forts que le personnage disent combien on peut basculer dans une surenchère de la réplique coup de poing, comme récemment avec "Non, ma fille, tu n'iras pas danser".

 

 Peu amène également la séquence où Mia, après avoir découvert que l'homme dont elle est amoureuse est marié et a un enfant, entraîne la fille de celui-ci dans une longue dérive. Scène qui, par son côté haletant, bascule dans une pure terreur - la petite fille, à force de se débattre, est jetée dans la rivière - , et dont on a du mal à comprendre la légitimation. Tout cela n'empêche pas le film de tracer une belle trajectoire humaine qui, tout en évoquant le cinéma de Ken Loach, s'en affranchit par la singularité de son personnage principal. 

 

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