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19 octobre 2012 5 19 /10 /octobre /2012 10:10

 

 

 

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                                                       Photo : Jean-Pierre Maurin

 

 

Faces

 

Spectacle de Maguy Marin

 

Avec le Ballet de l'Opéra de Lyon

 

 

  En regardant "Faces", de Maguy Marin, et confronté à son évidence plastique, on est appelé à se méfier dans un second temps des mots qui pourraient le qualifier. Le premier qui vient à l'esprit, "tableau", en référence à la peinture, s'il trouve sa légitimité dans une composition savante des scènes, en limite la portée.

 

 Car "Faces" est dicté, de manière discrète mais affirmée, par la notion de mouvement : mouvements du regard, couplés aux déplacements des danseurs du Ballet de l'Opéra de Lyon. En effet, il y a, dans les entrées progressives des 28 danseurs - ça en fait du monde - des deux côtés de la scène, toute une série de trajectoires qui appelle la concentration du spectateur. Tout se fait pourtant avec lenteur - d'envolée chorégraphique proprement dit, il n'y aura point dans ce spectacle -, avant que chaque entrée ne soit accueillie par un regard marqué par la bienveillance. On opère de délicats déplacements pour ajuster son regard vers l'endroit par lequel surgit un corps.

 

 Cette multitude de présences se trouve par ailleurs décuplée par le panneau dressé en fond de scène, miroir qui amplifie, tout en les tordant, les corps. Pas facile de regarder des "tableaux" dès lors que l'échelle visuelle est constamment perturbée. C'est déjà la magie de "Faces", sous ses dehors apaisés ( par rapport à l'agitation de "Salves") d'offrir ce trouble.

 

 Trouble qui amène à se méfier d'un autre mot : "saynète", avec un autre qui lui est corollaire, renvoyant au cinéma : "fondu au noir". Car la saynète, au terme de sa visibilité, se conçoit principalement comme achèvement, clôture d'une scène, enfermement du sens. Un auteur comme Joël Pommerat, si influencé par le cinéma, est passé maître dans cet usage. Ici, les fondus n'entraînent aucunement une fermeture des scènes ; ils ne représentent qu'un battement, un suspens, comme un oeil qui se fermerait momentanément avant de voir la fin d'une scène. Pour chaque spectateur, il ne peut y avoir qu'une surprise - et un désir fort - de contempler la scène suspendue par ces noirs.

 

 Il n'y a qu'à prendre ce moment extraordinaire où un groupe se défait progressivement de ce qui ressemble à des habits pontificaux pour aller s'étendre, par grappes successives, sur la droite. Si on ne les voit pas réellement se dévêtir, en raison de l'interstice noir, l'effet produit est saisissant. Force du passage d'un état à un autre, mouvement de l'éclat vestimentaire vers un dépouillement où les corps s'affaissent.

 

  Tout cela crée ainsi une rythmique exceptionnelle, une musicalité sans faille, renforcé par le tapis sonore élaboré par Denis Mariotte. Oui, le cinéma est présent dans ces scènes de groupe, comme une décomposition chronophotographique, mais avec ce supplément de puissance onirique lié à la cursivité des scènes, à leurs incessants changements, aux bruissements sonores.

 

 Mais la conception formidable de "Faces", son savant agencement, ne saurait l'enfermer dans une perfection formelle, sourde aux résonances avec le monde. Car en travaillant constamment avec le ballet la question du groupe, la pièce de Maguy Marin renvoie aux vertiges des imbrications humaines. Ici, une équipe de football, là, un groupe s'ébattant comme dans une soirée dansante. "Faces" malgré la maîtrise apparente de son tempo, brasse large et renvoie, par ce traitement, aux grandes interrogations sur les conduites à adopter lorsqu'un individu est pris dans une relation de groupe. Téléscopage des postures, des temporalités, cette dynamique révèle l'étendue du champ créatif dans lequel Maguy Marin veut nous immerger.

  

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