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26 février 2014 3 26 /02 /février /2014 21:48

 

 

 

 

 

 

Tonnerre

 

Film de Guillaume Brac

 

Avec Vincent Macaigne, Solène Rigot, Bernard Menez, Jonas Bloquet

 

 

 Manifestement, avec "Tonnerre", Guillaume Brac a voulu prendre le contrepied de son moyen-métrage "Un monde sans femmes", très bien accueilli par la critique. Film au charme solaire, nourri par une belle qualité d'interprétation, notamment féminine, il n'était pas sans évoquer l'univers d'un Rohmer, avec une légèreté supplémentaire liée à une simplicité des caractères qui forçait l'adhésion.

 

 "Tonnerre" est tout autant un film référentiel. D'un premier long-métrage – attendu qui plus est -, Guillaume Brac n'a pas fait table rase de sa cinéphilie. Elle est à la fois le ciment de son univers et aussi - avec cette volonté de détachement qui le caractérise – l'outil qui lui permet d'aborder d'autres rivages. En cela, malgré sa tenue stylistique modeste (faite de champs-contrechamps et de plans moyens fonctionnels), "Tonnerre" devient un film plus hybride qu'on ne croit au premier abord.

 

 Exit donc, la lumière estivale de "Un monde sans femmes", voici venir la chape de plomb quasi dépressive de l'hiver où l'on avance emmitouflé ; où les corps livrés précédemment dans une dépense exaltée s'ébrouent ici avec de la maladresse, bien des hésitations dans les gestes, particulièrement ceux de Maxime. Saisi d'amour pour Mélodie, il peine à ajuster son corps à son désir – on notera en passant le paradoxe corporel de Vincent Macaigne : aérien malgré son embonpoint dans "Un monde sans femmes", emprunté malgré son physique effilé dans ce long-métrage. Le naturalisme de "Tonnerre" saute dans un premier temps aux yeux, renvoyant à un certain cinéma français (en particulier Pialat) où l'expression existentielle s'accomplit sur un substrat spatial et géographique.

 

 Mais bientôt, ce geste s'élargit pour livrer une autre référence, à coup de séquences désopilantes (l'homme qui se dépense sur le charme de Mélodie, Bernard Menez récitant de la poésie à son chien), renvoyant à l'univers d'un Jacques Rozier. Quand Guillaume Brac rompt définitivement avec tout naturalisme, c'est pour porter son film vers une dimension criminelle inattendue, déroutante. Pour autant, sa volonté d'exploration narrative trouve son point d'orgue – et son originalité – dans sa manière de restituer le paysage hivernal comme on l'a rarement vu dans un film français. Que ce soit la promenade en ski de fond ou les scènes où l'on coupe du bois, tout cela dénote une attention particulière à l'extérieur, alors que le film donnait l'impression de n'être qu'un nouvel opus cantonné dans les intérieurs, favorisant sa veine intimiste et dépressive.

 

 L'élan du film devient ainsi véritablement romantique, avec cette découverte de la cabane qui, de lieu de rêve, devient un espace de séquestration momentanée. La promenade sur le canal, avec l'accent tragique qui s'y imprime, emmène le film vers des contrées inattendues.

 

  On regrette cependant que Guillaume Brac, après être passé par des strates narratives aussi variées, referme son film sur une pacification aussi apaisante, sur fond de vision de la ville de Tonnerre. Le cinéaste, qui a si bien dressé de belles figures féminines dans "Un monde sans femmes" aurait sans doute gagné à mettre en avant celle de Mélodie qui, par son geste radical, affirmait son émancipation face à deux hommes. Mais c'était sans doute explorer une piste en trop.


 

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