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11 novembre 2014 2 11 /11 /novembre /2014 21:36

         

 

 

Bit
 

Spectacle de Maguy Marin

 

Avec Ulises Alvarez, Kaïs Chouibi, Laura Frigato, Daphné Koutsafti, Mayalen Otondo / Cathy Polo, Ennio Sammarco




 Avec "Bit", Maguy Marin surprend. On était resté, il y a quelque mois sur un spectacle (Singspiele) qui semblait confirmer de plus en plus la veine immobile de la chorégraphe. La lenteur de "Singspiele" n'était pourtant pas dépourvue d'une sorte de mouvement : le passage, à travers les masques, de multiples possibles, reflétant un rapport au monde. Dans "Bit", ça danse carrément, et l'on ne s'y attendait vraiment pas.

La danse à l’œuvre n'est pour autant pas de la création pure, sortie de l'imagination d'une chorégraphe renommée. Elle tient d'une sorte de recyclage de figures traditionnelles, plutôt orientées vers le sud de l'Europe : des pas rapides accompagnés par des génuflexions évoquent le sirtaki grec, alors que certains déhanchements ont la rugosité noble du flamenco. Farandole humaine axée sur une communauté de gestes.

 En cela, "Bit" s'offre déjà comme une traversée de paysages dansés qui parlent rapidement au spectateur, exerçant sur lui une séduction immédiate. L'identification est d'autant plus forte que l'effet de groupe fonctionne à plein dès l'entame de la pièce : les danseurs se tenant souvent par la main, bras levés, leur prestation donnant l'impression d'une osmose totale. La joie de la danse avant d'aborder d'autres rivages moins réjouissants.

A la manière d'un "Umwelt", "Bit" repose aussi sur un dispositif qui met en avant ici un décor fait de plaques inclinées sur lesquelles les danseurs, tels un wagon humain, serpentent. Il faut saluer leur maîtrise étonnante à pouvoir évoluer et danser avec une telle légèreté - que dire des femmes qui y dansent avec des talons.

 Mais "Bit", comme l’indique son titre renvoyant à une unité de base binaire, est une pièce de renversement, où la jubilation de la danse en vient à se connecter à un autre spectre, plus mortifère. Quand bien même Maguy Marin offre une surprenante scène orgiaque dans la pénombre, ce n’est que pour préparer le spectateur à entrer dans des moments horrifiques, qui culminent avec une scène de viol malaisante. Ce n’est pas pour autant du Jan Fabre, tant cette scène prend évidemment chez Maguy Marin une coloration politique. Il s’agit par là de faire entrer sur la scène le souffle du réel, dut-il être fétide.
 
 A ce moment-là, sans crier gare, en quelques séquences, on est passés de cette
danse d’exaltation, synonyme de vie, à une autre danse, d’après l’horreur, où les prêtres entament un rituel de satisfaction en forme de ronde. La pulsion érotique le cède à la pulsion de mort, les deux approches sont mises en écho. Simplicité du balancement, mais qui, chez Maguy Marin, prend une force particulière, car le schéma critique ne prend jamais le pas sur l'expression artistique.

 Cet aspect engagé n'empêche aucunement "Bit" d'être porté par une dynamique irrépressible, avec notamment comme point d'appui sonore une musique tonitruante. Le mouvement reprend le pas pour arriver à un magnifique final, précédé d'expressions individuelles des danseurs. Sans doute un tournant dans l'univers de Maguy Marin, "Bit" contient des promesses de belles créations à venir.

 

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commentaires

S
J'apprécie votre blog , je me permet donc de poser un lien vers le mien .. n'hésitez pas à le visiter. <br /> <br /> Cordialement
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T
On en veut davantage avec autant d\'humour. Sympa.
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