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17 avril 2015 5 17 /04 /avril /2015 21:16

 

 

 

 

"Accidens" et "Flame"

Spectacle de Rodrigo Garcia

Avec Juan Loriente, David Pino, Elisa Barbier



 

 On le dit haut et fort ici : il n'y a pas de mise à mort de homard dans "Accidens", de Rodrigo Garcia. C'est pousser le bouchon un peu loin que de prêter au metteur en scène argentin une intention teintée de cruauté sauvage et gratuite, là où sa démarche - à laquelle on est libre de ne pas adhérer - repose sur une critique de la société de consommation. "Accidens" a valeur de catharsis : cette performance ne vise ni plus ni moins qu'à dessiller nos yeux face à des actes qui nous restent habituellement invisibles (la cruauté envers les animaux).

 Dans "Accidens", il y a au fond une forme de banalité de la mise en scène, entre la distance froide de Juan Loriente, et l'immobilité progressive du homard accroché à un fil au-dessus des spectateurs. Mise en scène évidée qui condamne au contraire toute ritualisation (ce que suppose la mise à mort). Démarche renforcée par la précaution que prend Loriente d'arroser de temps en temps l'animal suspendu - la perte d'eau le condamnant irrémédiablement. Et le hachoir qui finit par dépecer ce bel et grand homard ne renvoie pas plus qu'à une scène de cuisine qui fleurit dans les émissions de télé. On pourrait au contraire rester sur sa faim devant ce comédien qui fait sa cuisine, s'installe à table et sirote son vin blanc, sans souci de partage avec le public.

 On est d'autant loin d'une mise à mort que les effets esthétiques que l'on rencontre dans la corrida (vraie mise à mort, celle-là) sont absents ici. Et la présence de Rodrigo Garcia en superviseur de son propre spectacle indique l'accompagnement serein qui prévaut dans "Accidens".

 Il y a peut-être d'ailleurs plus de rituel dans "Flame" qui ouvre la soirée, que dans "Accidens". Pas de mise à mort mais une "mise à mal" d'une forme traditionnelle espagnole : le flamenco. "Flame" met en scène David Pino, chanteur de flamenco originaire de Cordoue qui s'engage au départ seul dans l'expression de cette forme chantée fameuse. Pas de guitariste, ni de danseur pour l'accompagner. Une femme, assise d'un côté de la scène, le regarde simplement.

 

 Si la qualité interprétative de David Pino ne fait pas de doute, c'est bien entendu la zone d'inconfort vers laquelle Rodrigo Garcia l'amène - ainsi que nous, spectateurs - qui interpelle. La voix s'intensifie d'autant plus qu'elle est bientôt redoublée par les effets électroniques. Impressions de sonorités d'enfance, régressives, où l'amplification va de pair avec une forme de destruction. Quand la jeune femme (Elisa Barbier) se lève, c'est pour aller s'installer devant des percussions dans le fond de la salle, conçue comme une anfractuosité d'où l'on pourrait voir surgir quelques fantômes. Elisa Barbier se livre alors à une prestation endiablée, et le duo fait alors des étincelles.

 En matière d'étincelles, le visage d'Elisa Barbier, filmé, est reproduit sur un écran, qui renvoie des scintillements émanant des percussions. Très bel effet, qui ne masque pourtant pas les projections de photogrammes sur le mur : une succession d'extraits de films d'horreur (Eraserhead, Scanners, Zombie, Videodrome, Carrie, L'exorciste, Shining) qui en dit long sur l'intention de Rodrigo Garcia de nous mener vers des rives peu amènes. David Pino, dans cette jungle d'images et de sons travestis -jusqu'au passage où il est supposé boire un liquide peu recommandable, garde le corps droit, et sa chaise qui prend feu opère une transition vers le lent moment culinaire offert par Juan Loriente.

 

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