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19 avril 2015 7 19 /04 /avril /2015 20:54

 

 

 

Ensemble Shams

 

Avec Kaykhosroh Pournazeri, chant ; Sohrab Pournazeri, tanbur et kamanché ; Tahmoures Pournazeri, tar ; Hossain Rezainia, daf ; Khorshid Dadbeh, tanbur

 

 

 Bien ancrée dans la programmation du Théâtre de la Ville, la musique persane offre son lot de chanteurs et de musiciens accomplis. Au fil des années et à l'image de la tradition indienne, la présence de lignées de grands musiciens ajoute une émotion particulière corrélée au passage du temps. Il y a eu récemment, côté indien, sous forme de duos de transmission, Subramaniam et son fils Ambi, Shivkumar et Raoul Sharma.

 Concernant l'Iran, il y a deux ans se produisait Homayoun Shajarian, le fils de l'un des plus célèbres chanteurs iraniens, Mohammed Reza Shajarian, bien évidemment invité  à plusieurs reprises sur cette scène. Il était alors accompagné par un remarquable joueur de tanbur et de kamanché, Sohrab Pournazeri. On ne savait pas alors ici que cet instrumentiste était issu d'une lignée de grands musiciens appartenant à la tradition kurde, qui avait bousculé la musique persane dans les années 80 sous le nom de l'ensemble Shams.

 Quand Sohrab Pournazeri apparaît seul sur scène, c'est moins pour marquer cette filiation que pour ancrer un style contemporain dans l'oreille du spectateur. A peine a t-il commencé à égrener quelques notes de son tanbur que la sensation d'être transporté nous envahit. Petit luth, à la forme assez banale, le tanbur rappelle le setar, instrument emblématique de la musique traditionnelle persane. On y trouve les mêmes sonorités cristallines, la même capacité à faire surgir une subtilité au niveau des notes. Mais à la différence du setar, le tanbur élargit ses origines, tant sa technique est différente. Proche des luths d'Asie Centrale, la façon caractéristique dont tous les doigts grattent les cordes, impose une rythmique spécifique, aussi endiablée que virtuose. Dans les mains de Sohrab Pournazeri, rapidité et temps de pause méditative se succèdent.

 C'est que l'homme, en plus, a cette manière d'entrer en possession de son instrument qui lui donne des allures d'interprète fiévreux, aux limites de la transe, loin de l'attitude intériorisée de bon nombre d'instrumentistes de la tradition persane. C'est que cette musique, qui trouve ses origines dans la mystique soufie, appelle un dialogue avec des forces invisibles, supérieures.

 Dans un second temps, après sa prestation solo, Sohrab Pournazeri revient sur la scène, cette fois-ci avec son autre instrument d'élection, le kamanche. Son frère, Tahmoures Pournazeri, s'installe à sa gauche, muni de son luth tar, l'instrument qui accompagne le plus souvent la voix, à la sonorité bien plus rêche que le tanbur ou le setar, mais habile à suivre les linéaments vocaux. Un percussionniste, Hossain Rezainia, les accompagne de son daf, qu'il joue la plupart du temps posé entre ses jambes, libérant les possibilités de moduler les sons, tout en opérant des frottements inspirés, à la manière des tablas indiens.

 Quand bien même cette partie est encore axée sur la qualité d'interprétation de Sohrab Pournazeri au kamanche (merveille d'instrument qui passe du grave à l'aiguë en un tour de doigt), le dialogue entre les deux frères est passionnant. Reposant beaucoup sur l'improvisation, il implique pour Tahmoures de pouvoir répondre aux élans de Sohrab. En cela, il arrive à tirer de son tar des sons qu'on entend rarement lors des accompagnements de chant.

 Au troisième mouvement du concert, l'ensemble Shams se constitue enfin. Son fondateur, Kaykhosroh Pournazeri, vient se positionner entre ses deux fils, tandis qu'une jeune femme, Khorshid Dadbeh, en habit traditionnel, s'assoit à la droite de Sohrab Pournazeri, dont elle fut l'élève. Dans cet ultime prestation, le jeu du tanbur domine, caractérisé par une homophonie. Style de jeu fondateur du groupe, au sein duquel venaient se fondre de grandes voix, comme celle de Shahram Nazeri. Une partie en forme de remontée aux sources, où la voix profonde de Khaykhosroh Pournazeri s'élève, avant que celle de Sohrab ne s'étende, et que les musiciens ne s'accordent quelques soli. Si cette partie n'est pas la plus technique, elle n'en demeure pas moins émouvante. Envisagée comme une remontée progressive dans le temps, elle conclut avec apaisement ce magnifique concert.

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