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29 novembre 2019 5 29 /11 /novembre /2019 14:48

Dans "Put your heart under your feet... and walk", le performeur à l'allure excentrique Steven Cohen compose un hommage à son compagnon disparu. Entre gore et sacré. 

 

     Photo : Pierre Planchenault

 

Put your heart under your feet... and walk

 

Chorégraphie, scénographie, costumes et interprétation de Steven Cohen

 

 

 A la fin de « Put your heart under your feet... and walk », Steven Cohen s'adresse au public, de cette voix douce, frappante par le contraste avec son allure extravagante, en comparant la scène de théâtre avec un temple. L'essentiel est donc là, pourtant, les performances de l'artiste sud-africain, principalement ses déambulations en plein air, ont le même point d'aboutissement : concevoir le lieu, extérieur ou intérieur, comme un espace propice à une performance ritualisée.

 

 « Put your heart under your feet... and walk », conçu en hommage à la mort de son compagnon et partenaire Elu, est tout entier bati sur une approche particulière par rapport à l'ordinaire des représentations théâtrales (seulement une performance par mois en moyenne). Démarche allant à l'encontre de toute entreprise artistique spectaculaire, minimaliste par son dispositif scénique, mais puissante par la réflexion sur la mort qui en découle.

 

 Il y a un paradoxe à voir Steven Cohen apparaître sur scène dans une posture appesantie, alors que le corps du performeur renvoie à une imagerie carnavalesque. Juché sur des cercueils minuscules, les bras prolongés par de longs batons, il avance lentement, dans un équilibre instable. Le corps, d'emblée, affirme ce poids d'une douleur à porter, en une procession en forme de conjuration. Au sol sont alignées une multitude de chaussures, tandis que sur la droite sont disposés des chandeliers surmontés de bougies.

 

 Tout est là pour construire un cérémonial au long duquel peu d'actions sont effectuées. Il y a, celle, extravagante, de Cohen se glissant au milieu de tourne-disques et sur des musiques diverses qu'il lance, se pavaner jusque sur les marches du théâtre. Mais cette déambulation, dans sa ténuité, rend compte d'une émotion contenue.

 

 L'intensité, dans la pièce, il faut la chercher sur l'écran sur lequel est projeté une vidéo sidérante d'une performance dans laquelle Cohen déambule au milieu de carcasses de bœuf dans un abattoir. Ce moment singulier est d'autant plus fort que des ouvriers sont présents, continuant leur travail (un plan montre furtivement l'un d'eux prendre Cohen en photo).

 

 Avec cette vidéo, deux plans se conjuguent pour faire de « Put your heart under your feet... and walk » un moment particulièrement troublant. Le sang dont Steven Cohen se recouvre, loin de la complaisance spectaculaire, renvoie directement à celui que perdait son compagnon, et est conçu comme un travail de purification, Sur scène, si la présence en chair et en os de Cohen renvoie à une temporalité immédiate, le recours à des actes d'ordre liturgique (allumer les cierges minutieusement, absorber les cendres de son ami) installe un caractère sacré, intemporel.

 

 Surprend toujours chez Steven Cohen cette alliance entre un corps bardé de signes artificiels, mais où l'exubérance vestimentaire, l'allure iconoclaste le dispute à une démarche rituelle. Particulièrement forte en cela est une autre video ou son visage surgit de la terre qui le recouvrait pour prendre une grande bouffée d'air, sans que ses grands cils factices ne soient affectés par cet enfouissement. C'est là, peut-être plus que dans le cérémonial proprement dit, que le souffle, allié à ces yeux qui se dessillent, témoigne d'un intense combat mené contre la mort.

 

A la MC93, du 28 au 29 novembre 2019

 

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