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16 décembre 2021 4 16 /12 /décembre /2021 17:02

Après des pièces de groupe, Boris Charmatz s'engage dans un solo, en s'imosant une contrainte, propre à son esthétique : danser en sifflant. Aussi insolite que virtuose.

 

 

 

Somnole

 

Chorégraphie et interprétation de Boris Charmatz

 

 

 À découvrir « Somnole », nouvelle pièce de Boris Charmatz à l'église Saint-Eustache, on aurait envie de croire, de prime abord, qu'elle a été conçue spécifiquement pour ce type de lieu. La raison ? Le corps même de Charmatz, vêtu seulement d'un pagne, pieds et torse nus, corps christique foulant le sol froid, en un dépouillement sacrificiel. Une interprétation à priori facile, mais qui met l'accent sur la prestation en solo du chorégraphe, après bien des pièces de groupe et qui, dans ce dénuement, tant physique qu'individuel, marque une nouvelle approche.

 

 Pourtant « Somnole », beau titre, se veut une œuvre beaucoup plus modeste que ne le laisse supposer un tel espace. Et son orientation, loin de tendre vers une quelconque élévation mystique, ancre le corps de Charmatz dans cette aire froide, traversée par la lumière et l'air frais. Par sa façon de convoquer un état particulier, celui entre sommeil et éveil, conscience et abandon, la pièce contient une dimension quelque peu régressive, voire enfantine.

 

 Si à cet égard « Somnole » fascine, c'est en donnant l'impression, au départ, de se démarquer de ce qui fait la marque de Boris Charmatz : une chorégraphie très pensée, conceptuelle, basée avant tout sur la contrainte, que ses pièces de groupe favorisent, en ce que s'y jouent des notions d'alignement, de répétition, d'épuisement de figures ; une tension perpétuelle entre la dynamique des corps et l'implacable austérité graphique, assortie d'une présence du langage. Si « Somnole » met le corps de Charmatz dans une disposition caractérisée par une présence charnelle palpitante, on découvre très vite à quel point un état d'éveil progressif vers un tracé chorégraphique s'accompagne de la mise en œuvre d'une contrainte.

 

 Ainsi, l'exercice auquel se livre Boris Charmatz (siffler des airs tout en exécutant des mouvements chorégraphiques) sidère autant par sa virtuosité dissociative que par l'aspect ludique qu'il installe. L'on se prend ainsi à tenter d'identifier la variété des références musicales (du plus sérieux, Bach, Beethoven, Haendel, aux plus populaires , La panthère rose, La Boum, Comme d'habitude) tout en se rendant compte que l'intériorité rêvée d'où elles partent contribuent à « informer » le corps, à l’inscrire dans les strates les plus diversifiées, de la virtuosité débridée à l'épanchement loufoque (Charmatz va jusqu'à inviter à danser ce soir là un jeune spectateur).

 

 « Somnole » impressionne par ce double engagement, cette intrication folle entre musique et danse, où jamais le corps du danseur n'est empêché par la contrainte, mais se propulse grâce à elle et par elle. Charmatz, une fois de plus, prouve son inventivité en allant chercher dans les tréfonds de son expérience, depuis l'enfance, pour l'incarner sous nos yeux, dans une ivresse physique étourdissante.

 

À l'église Saint-Eustache, du 10 au 16 décembre

À la Mc93, du 19 au 23 janvier 2022

 

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