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23 septembre 2012 7 23 /09 /septembre /2012 09:49

 

 

 

DSC09702.JPG 

   

   Locus focus

 

Spectacle conçu et interprété par Min Tanaka

 

 Il y avait comme une gageure, au théâtre des Bouffes du Nord, ce samedi après-midi 22 septembre : garder les yeux grands ouverts face à un spectacle axé sur le minimum de visibilité. Pour les spectateurs avertis, cela devenait le gage d'une expérience fructueuse ; pour les autres la crainte d'une plongée dans un sommeil sceptique.

 

 C'est une bougie, tenue d'une main par un corps qui trace son parcours dans l'espace. Il faut beaucoup d'acuité visuelle pour suivre ce parcours. Corps du danseur de butô, Min Tanaka, dont on finit peu à peu par distinguer son habillement : manteau digne d'un inspecteur Columbo, assorti d'un chapeau. Il avance lentement sur scène, alors que dès le début, une voix, vieille, en anglais, présente un morceau qu'il va jouer. On croit distinguer un titre ; une musique lancinante s'ensuit, mélancolique, apparemment jouée au violoncelle.

 

 La même séquence sonore revient au fil du spectacle, comme une incantation. Cela n'empêchera nullement "Locus Focus" d'être une oeuvre profondément axée sur le silence. Le butô, ici, dont Min Tanaka, est l'un des plus grands représentants, réclame de la patience, sur fond d'écoulement lent. La prestation de Min Tanaka prend des allures de rituel, renforcée par ces étranges effigies disséminées dans la salle, autour desquelles il tourne longtemps avant d'aller poser sa bougie à terre.

 

 Rituel de conjuration ou de préservation ? Les deux vont sans doute ensemble. En tout cas, cette façon de cheminer, bougie à la main, rappelle beaucoup la dernière pièce de la troupe de Dairakudakan, "L'homme de cendre", où face au sentiment dominant du tragique, il convenait d'opérer des rites spécifiques.

 

 Plus radicale, plus intimiste, la pièce de Min Tanaka imprime un tracé net. Le seul corps de Tanaka, âgé de soixante sept ans, dans son allure de clochard céleste, n'est pas sans prendre une résonance beckettienne. La présence vestimentaire renvoie aux figures de l'écrivain irlandais, comme cette illustration sonore peut rappeler l'usage que faisait Maguy Marin de la citation musicale dans "May B", en hommage à Beckett. Mais l'originalité du butô est telle, la capacité d'improvisation du danseur japonais si inventive, que ce qui domine dans "Locus Focus", c'est la force plastique de l'instant.

 

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Photos : G. Jumarie

  

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