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23 novembre 2013 6 23 /11 /novembre /2013 18:03

 

Par-les-villages.jpg

                                      Photo : Christophe Raynaud de Lage

 

 

Par les villages

 

Poème dramatique de Peter Handke

 

Mise en scène de Stanislas Nordey

 

Avec Stanislas Nordey, Laurent Sauvage, Emmanuelle Béart, Claire Ingrid Cottanceau, Anne Mercier, Véronique Nordey

 

 

 

 Lors de son précédent spectacle au Théâtre de la Colline (Tristesse animal noir), Stanislas Nordey avait surpris, par une mise en scène axée sur une scénographie splendide. Cela ne masquait pas pour autant l'exigence du texte d'Anja Hilling.

 

 Avec "Par les villages", on pourrait dire que Nordey retrouve ses fondamentaux, et le spectateur n'ayant plus comme point d'appui la même splendeur visuelle, doit se confronter directement à un texte singulier, conçu par Peter Handke comme un poème dramatique. Pour Nordey, fasciné depuis longtemps par ce texte, c'est un défi supplémentaire à sa volonté d'exploration qui s'offre à lui. Un défi tel qu'il s'empare du rôle principal, celui de Hans, avec comme point d'orgue un très long monologue intervenant au coeur de la pièce.

 

  "Par les villages" conçu comme une succession de monologues, raconte l'histoire d'un retour : celui de Gregor, écrivain, dans son village natal, et les retrouvailles avec son frère et sa soeur qui lui dénient le droit d'obtenir son héritage. Le sujet, qui met en scène le retour d'un fils prodigue, a nourri bien des textes de la littérature, mais la pièce de Handke, plus que jamais, donne à Nordey, une fois de plus, l'occasion de pousser son esthétique théâtrale dans ses derniers retranchements. Il faut voir Laurent Sauvage, qui joue le rôle de Gregor, errer une bonne partie de la pièce (près de quatre heures avec entracte) sur le plateau, n'ayant au fond que quelques paroles à sa disposition, son personnage essuyant la plupart du temps les feux des reproches de Hans ou de sa soeur.

 

 Plus que jamais, Nordey opte pour une frontalité radicale, les comédiens étant la plupart du temps tournés vers la salle. Cette exigence scénique - qui colle parfaitement à la nature monologuée du texte de Handke - renvoie au bout du compte à une forme de théâtre antique, dont on se doute que Nordey cherche à en retrouver la simplicité graphique et orale.

 

 Devant cette difficulté, les comédiens ont largement le temps d'exprimer leur qualité. A chaque monologue qui se succède, ce sont littéralement des morceaux de bravoure auxquels on assiste, avec chacun une spécificité : particulièrement frappant est celui d'Annie Mercier, qui apporte, de sa voix grave, un moment ludique à la pièce, en un mélange de diatribe et de dérision. Véronique Nordey, avec ses inflexions fragiles, introduit une belle sensibilité à son personnage tandis qu'Emmanuelle Béart insuffle, de son timbre clair, une sorte de pureté à l'ensemble.

 

 Au centre donc de "Par les villages" brille le monologue de Hans, le plus long de la pièce, que Stanislas Nordey interprète avec son jeu caractéristique : mouvements des bras saccadés, tête qui bouge de manière mécanique ; une sécheresse du corps qui semble tout droit sortie de "Clôture de l'amour", comme si, face à un texte exigeant, fleuve, il fallait maintenir le corps dans un cadre et un espace rigoureux. D'autant plus que le mode qu'appelle ce monologue, où percent nombre d'invectives, est celui de la profération. Il n'est pas sûr pour autant que Nordey arrive, de bout en bout, à maintenir l'intensité requise par ce rôle, tant on sent un épuisement à dire un tel texte. Mais il faut saluer sa détermination et son engagement.

 

 C'est dans le monologue final qu'on prend encore plus la mesure de ce texte épique, qui prend littéralement une dimension chorale, digne de la tragédie grecque, que Handke a beaucoup étudiée. Nova, superbement interprétée par Claire Ingrid Cottenceau, endosse le rôle d'une oracle qui distribue les maximes sur les attitudes à adopter. Paradoxe d'un texte qui se veut ancré dans le présent, mais dont la nature de sermon peut laisser perplexe. Mais c'est aussi à ce moment que la comédienne parachève - par ses gestes, ses déplacements - l'idée que dans le minimalisme de la mise en scène de Stanislas Nordey, les corps peuvent encore danser.

 

 

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