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18 février 2010 4 18 /02 /février /2010 10:58
 

 

 
Mother, de Bong Joon-ho
 
Avec Kim Hye-ja, Won Bin, Jin Ku
 
  "Les preuves fatiguent la vérité " (Georges Braque)
 
 
 L'entrée en matière du dernier film de Bong Joon-ho suffit à indiquer d'emblée le terrain nostalgique, apaisé, sur lequel il se situe : plan large sur une étendue herbeuse, caméra balayant d'un mouvement ample et délié cette nature inviolée, une femme d'âge mur se prêtant à une danse énigmatique, proche des rituels chamaniques dont la culture coréenne est encore fortement imprégnée, à travers notamment certaines cérémonies. Évoquant l'ouverture sublime du "Miroir", d'Andrei Tarkovski, celle de Bong détonne avec le climat étouffant des opus précédents ayant contribué à asseoir sa réputation internationale.
 
 C'est dire que ce film n'aura pas le caractère claustrophobique de "The host" à l'intrigue souterraine, ni le confinement de "Memories of murder" lié aux interrogatoires dans des cadres étouffants. L'ouverture ici, c'est aussi celle d'un récit plus délié, où non seulement on va vers une visibilité plus grande - un témoin visuel dévoile la vérité bien avant la fin du film - mais des informations qui de prime abord ne servent pas à l'enquête de la mère affleurent. 
 
 C'est principalement par ce geste caractéristique du fils attardé, accusé du meurtre d'une jeune femme, consistant à se frotter les tempes pour se remémorer les moments cruciaux échappant à sa mémoire défaillante. Il remonte si loin qu'il comprend qu'enfant, sa mère a voulu le supprimer. Loin des tentatives d'arrachage au forceps de la vérité de "Memories of murder" - et qui finissait par déboucher sur un mystère confinant au métaphysique -, ici les choses adviennent de manière impromptue, comme au moment crucial où la mère rend visite à l'homme qui lui a vendu un parapluie lors d'une magnifique séquence.
 
 "Mother", à l'inverse donc de "Memories of murder" est un film où les traces et les preuves abondent, à tel point que la mère, dans sa quête de vérité, obéit à l'obstination propres aux personnages de Bong. Mais sa capacité d'investigation, normalement dévolue aux policiers, vient buter contre une vérité inattendue qui lui gicle au visage. La folie est de ne pouvoir mettre en œuvre la puissance de sa raison, fondée sur la conviction de l'innocence de son fils. Et cette femme détenant notamment la faculté de guérir (par l'acupuncture), bute contre un accès à la vérité.
 
 Les preuves ici (photos prises par la victime, traces de prétendu sang prélevées chez Jin-Tae)  sont telles qu'on peut se permettre de trouver un autre coupable, qui fera d'autant plus l'affaire qu'il est dans le même registre attardé que le fils. Ici, c'est qu'importe la preuve, pourvu qu'on ait un coupable. D'où la difficulté à représenter un enquêteur forcené. Il y a tout juste Jin-Tae, l'ami du fils qui s'improvise comme tel - après avoir été accusé, lui aussi -  en usant d'une violence caricaturale à l'encontre de suspects. L'accès à la vérité est disséminée à travers des figures multiples, aussi bien secondaires, rendant la résolution du crime pour le moins relative. 
 
 A côté des traces qui s'accumulent, il y a celle - traumatisante pour la mère - de la mémoire, qu'il convient d"effacer, dans une scène finale remarquable.
  
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