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25 décembre 2010 6 25 /12 /décembre /2010 16:00

 

 

 

 

 

 

Another year

 

Film de Mike Leigh

 

Avec Jim Broadbent, Lesley Manville, Ruth Sheen, Peter Wight

  

 On a envie de dire du dernier film de Mike Leigh : peu importe les saisons égrenées dans son histoire, qu'elles soient en plus justifiées par le titre. L'attachement du cinéaste à un cadrage foisonnant de gros plans sur ses comédiens ne pourrait qu'en révéler l'aspect artificiel. La profusion des dialogues, moteur de son univers, entraîne un déluge verbal qui annihile l'attention portée à l'extérieur. Verbosité restituée sous forme de répliques fusant comme des balles de ping-pong, mais qui n'empêche pas - au contraire, elle l'exalte - une qualité des comédiens.

 

 Le cynisme grimaçant, tant à l'oeuvre précédemment chez Mike Leigh (Life is sweet), au point de transformer ses personnages en pantin, a connu une période tamisée avec le palmé « Secrets et mensonges », avec son humanisme larmoyant. « Another year » offre une synthèse de ces différents pôles : la causticité radicale dans laquelle étouffait le personnage de David Thewlis dans « Naked » n'a plus court ici. Mais on note un déplacement des  figures du cynisme : celles qui l'incarnent n'adressent plus leurs flèches, comme Thewlis dans « Naked », au monde en général.

 

 C'est au sein d'un cadre resséré, favorisant un espace intime, que se distille ces pointes. La tâche est principalement dévolue au couple Tom et Gerri. Campés dans leur certitude d'être un couple fonctionnant bien, complémentaires dans leur opposition respective, ils contemplent l'agitation de certains de leurs amis comme des entomologistes attachés à l'observation d'insectes. L'humour qui se dégage des saillies tranquilles de Tom, condition de l'accomodation du spectateur à cet univers cynique, n'en comporte pas moins une profonde ambiguïté.

 

 On a beau sentir une grande bienveillance chez ce couple, on a envie de rajouter que c'est la moindre des choses quand on jouit d'un statut social aisé, renforcé par un équilibre dans la répartition des rôles. L'équilibre n'est pas forcément une condition du partage avec l'autre, d'autant plus lorsque les sujets qui se frottent à cela sont particulièrement chargés. L'outrance dans la représentation de certaines figures est habituelle chez Mike Leigh mais ici, confrontés à ces sujets stables que sont Tom et Gerri, elle prend un tour particulièrement frappant. Voir Ken s'imbiber d'alcool chez eux, avec force gros plans, ajoute au grotesque confinant à la caricature.

 

 Mais c'est la peinture de Mary, jouée par Lesley Manville, qui frappe beaucoup. Face à la complémentarité du couple Tom-Gerri, difficile d'imaginer un personnage plus contradictoire, en proie à des conflits insolubles : accepter de vieillir, former un couple, trouver un mode de vie stable. Son corps, paré de vêtements traduisant son désir de rester jeune, est toujours dans un décalage avec celui des autres. Ouverte aux étreintes chaleureuses, Mary se braque quand il s'agit ne serait-ce que de s'asseoir à côté de Ken, dont elle partage pourtant le goût pour l'alcool. Aveugle aux possibilités de liens futurs, mais déployant des postures séductrices au centre desquelles émerge Joe, le fils de Tom et Gerri. 

 

 Ces innombrables déboires relatifs à sa nouvelle voiture prennent une dimension comique digne de figures de cartoon. Dans cette forme d'hystérisation du comportement - en ce que les effets contradictoires contrarient l'assise dans la réalité -, les multiples positions plastiques accentuant l'instabilité de Mary. Mais c'est aussi, de loin, le personnage le plus touchant du film, celui qui nous parle le plus de la difficulté d'accomplissement d'un désir. C'est par elle que s'incarne le sujet le plus typique de l'univers de Mike Leigh : elle nous arrache des rires comme elle nous émeut profondément, notamment dans cette scène finale glaçante, où règne le silence.

 

 Devant ce film à la volubilité traçante, on était loin d'imaginer cette possibilité d'un évidement progressif, inaugurée par la rencontre de Mary avec Ronnie, le frère de Tom, endeuillé de sa femme. Avec ce silence s'installant peu à peu, c'est la promesse que les corps, pour rompre l'agitation relayée par la parole, ont besoin d'un repos salvateur. Promesse d'un horizon s'ouvrant vers d'autres palpitations ; d'autres battements de vie. 

 

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commentaires

J
<br /> J'ai quitté le film ce soir pour aller retrouver mes deux héros, père et fils, au moment où Clarkc claque la porte de chez son père, sa mère vient de mourir. Je n'ai pas supporté l'auto-suffisance<br /> des Tom et Gerri, ce couple qui se croit ancré dans le vrai à l'inverse des autres. Ni qu'ils n'aident pas leur ami qui se suicide à l'alcool et à la bouffe, ni qu'ils n'attendent pas 5 minutes<br /> pour l'enterrement. Quant au fait qu'elle soit conseiller psychologique, justement, elle ne fait que constater les pbs des uns et des autres, mais jamais, au grand jamais, elle n'aide à les<br /> résoudre, jamais elle n'offre un soupçon de soutien, si ce n'est de demander une phrase d'une telle platitude qu'elle amène forcément un oui, à savoir "Et toi, çà va en ce moment ?" en penchant un<br /> peu la tête.<br /> Si le réalisateur a voulu faire une caricature des couples bien dans leur vie, qui s'aiment et se suffisent à eux-même, des gens qui regardent avec délectation les papillons se brûler les ailes<br /> dans leur abat-jour sans éteindre l'ampoule pour qu'ils ailletn ailleurs et sauvent leur peau, alors, le but est atteint si c'était le but. Les acteurs jouent très bien, revoir Londres est super,<br /> le fait que pas d'artifices dans les scènes, c'est super aussi. Mais bon. Un peu légère la notion d'amitié dans ce film-là.<br /> <br /> <br />
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